Tistou les pouces verts
Il est des légendes urbaines dont on aime se bercer, transmises en chuchotant le soir au coin du feu. Il y a, c’est bien connu, des crocodiles dans les égouts parisiens, sacs et escarpins sur pattes échappés de la demeure d’un collectionneur peu attentif. Il y a un monstre caché dans les profondeurs du Loch Ness, gentille bestiole un poil encombrante jouant à cache-cache avec les promeneurs. Il y a la chaleur omniprésente en Australie, où l’on ne connait même pas le concept du pull ou du manteau. Il y a la main verte des gens travaillant en biologie végétale. Légendes que tout cela ! Pas plus de sauriens dans les vespasiens tuyaux parisiens ou de canicule sous le ciel canberrien que de talent de jardinier camouflé dans LaGB… Laisser jeunes pousses et tendres feuilles entre les mains lagbiennes, c’est risquer le désert des Tartares dare-dare.
Heureusement, LeGB veille à la graine, à la fleur et à la tige, binant, sarclant et arrosant, élaguant, bichonnant et tuteurant tout ce qui porte chlorophylle. Son nouveau livre de chevet ? The Canberra Gardener, édité en 1969, petit trésor déniché au petit bonheur la chance dans une bouquinerie. Petit guide ne payant pas de mine, pourvu d’une couverture très flower power (ça tombe bien), de schémas et croquis tracés à main levée et truffé de conseils précieux pour tout apprenti pouces verts ayant perdu ses repères. Une antiquité (si, si ! en Australie, un livre de 1969 est une antiquité) fort appréciée, lue et relue, griffonnée de petites notes et consultée avec révérence à la moindre hésitation jardinière.
Et elles sont légion, ces hésitations mi-potagères mi-fourragères… C’est qu’il en faut, de l’attention pour faire pousser les dernières arrivées sur la terrasse, choisies pour leur statut de plantes natives et non pour la bonne volonté déployée pour croître et se multiplier. Les Banksia marginata, Eremophila maculata, Darwinia citriodora ou autre Eutaxia obovata rempotés de fraîche date dans un terreau spécialement adapté à leurs fragiles méristèmes n’ont de cesse de réclamer à cor et à cris un jardinier aux petits soins. Seule la menthe australienne ne demande aucune espèce de sollicitude, partant effrontément à l’assaut des pieds de tomates qu’elle envahit sabre stomate au clair et feuilles au vent.
Plantes natives, donc adaptées à leur environnement, certes. Mais aussi, et surtout, semblerait-il un tant soit peu exigeantes voire un tantinet capricieuses… Leur dernière lubie ? Une petite laine pour affronter sereinement les nuits glaciales de Canberra. Ou, à défaut, le droit de s’installer sans trop tarder bien au chaud dans l’appartement. Sur la moquette de préférence, eu égard aux petites racines frigorifiées qui grelottent et claquent des dents terrées dans le terreau. La négociation s’annonce d’ores et déjà coton, peut-être même épineuse. Manque de pot, notre intarissable guide du parfait petit jardinier à Canberra ne pipe pas mot de la gestion des crises pré adolescence dormance chez les plantes endémiques… Ne reste donc sans doute plus qu’à prétendre être durs de la feuille et demeurer de bois face aux récriminations de nos râleuses en herbe.