Category Archives: Instants suspendus
Ballalaba si j’y suis
(Quelque part au milieu de nulle part, entre Braidwood et Cooma, NSW)
Il avait fait très doux ce jour-là. Le ciel s’était promptement débarrassé en un seul grand bâillement des derniers vestiges de nuages qui obscurcissaient son horizon. Les graminées sifflotaient, le soleil bourdonnait en sourdine un petit air enlevé et le vent ébouriffait les eucalyptus. Ballalaba Creek s’effilochait entre les ajoncs de la rive. Le lit de galets, chatouillé par une multitude de vaguelettes à peine formées, se tortillait et tressautait en étouffant ses rires.
Madeleines de Cook
Toute petite déjà, elle ramassait, collectionnait, entreposait et chérissait des trésors minuscules, de ces trésors n’ayant pour toute valeur que celle que l’œil voulait bien leur offrir. Un caillou veiné de blanc et de gris pâle, une brindille tordue devenant boa de bois, une plume perdue au milieu des prés, un amadouvier joli décrété masque inca, quelques mignonnes étoiles de mer fossiles, une porcelaine cueillie en bord de plage, une pomme de pin colonnaire, des mues de serpent ou de cigales délicatement détachées de leur gangue d’herbes sèches. Continue Reading →
Jump into the fog with me
(Un petit tour et puis s’en retournent dans la brume…)
Deuxième dimanche du mois au Blackburn’s Family Hotel*. La brume se plaque contre les vitres et contemple avec envie les sièges dépareillés qui s’égaillent sur la moquette à feuilles de vigne. La vieille pendule aux aiguilles rafistolées de quelques brins de fer-blanc vient de sonner cinq heures. Les jambes sont bien lasses et les gosiers bien secs, les orteils transis et les yeux fatigués de guetter la moindre parcelle d’éclaircie. Gants, bonnets, écharpes et manteaux humides sont oubliés sur un coin de banc. Dans un soupir d’aise, les épaules se carrent confortablement contre un dossier moelleux. Une pinte prend ses quartiers d’hiver sur un petit bord de table patiné de mousse et de rires. Quelques fourmis courent le long des doigts, chassées d’un frisson de contentement.
Lynette Marie
Les cannes à pêche frétillent d’impatience depuis des semaines, s’entortillant les fils à force de piaffer, les hameçons sautillent dans leur boîte et menacent quotidiennement de partir de leur propre chef à la chasse aux asticots. Pas de doute, il est temps de retrouver Lynette Marie, de saluer les embruns en sa compagnie et de voguer ensemble cahin-caha jusqu’à ce petit coin de baie si riche en flathead et en jeunes snappers. Petit coin de baie gardé secret, précieusement confié au creux de l’oreille de génération en génération, jalousement couvé, choyé.
Poppies & rosemary
(ANZAC Day March, Shrine Remembrance Memorial, Melbourne, 25-04-2011)
Brins de romarin et coquelicots ont fleuri aux boutonnières et aux corsages, petites parcelles de Flandres et de Gallipoli nichées juste au-dessus des cœurs, brassée de souvenirs émus répandue tout au long de Swanston St et St Kilda Road. Le brouillard a déposé quelques fines étoles mousseuses sur les buildings et les premiers rayons du soleil couvrent de caresses les tapis de feuilles craquantes dormant au pied des chênes. Vétérans, troupes, fanfares et voitures anciennes aux chromes rutilants défilent sous les applaudissements. La foule s’est parée de drapeaux, les médailles et souliers ont été scrupuleusement lustrés, les plumes des chapeaux scrupuleusement peignées et les uniformes brossés. Certains ont même été retouchés pour parer à quelque fâcheux embonpoint. Anciens combattants, familles, badauds s’entremêlent sur les pelouses du Shrine Remembrance Memorial en un joyeux mélange de courses-poursuites enfantines, d’hommage enthousiaste, de souvenirs de hauts faits d’armes et de franche camaraderie.
Un petit caillou, un joli caillou
Il y a à Green Patch Beach, accroché tout à la pointe d’une microscopique plateforme qui s’avance vaillamment dans l’océan, un petit bout de rocher de rien du tout. Il n’y a pas là-bas de filao jovial ni eucalyptus majestueux, pas de banksia buissonnant gaillardement. L’eau n’y est même pas délicieusement douillette, non. Il n’y a que ce petit bout de rocher, ce petit bout de grès de rien du tout, posé là tout seul au milieu de tant d’autres.
Les cerisiers étaient en fleur
Deux semaines. Deux semaines de vacances tant attendues, deux semaines passées à skier, se délasser dans des bains d’eau chaude, se laisser tenter par la soupe miso et le porridge de riz au petit-déjeuner, visiter des temples et rire des mimiques renfrognées de macaques couverts de flocons tardifs. Surtout, deux semaines à profiter des premiers pas triomphants d’un petit-fils tout juste couronné de trois dentelettes minuscules, dévorer les rires aux éclats et croiser dans un sourire ou un regard interrogateur de petit garçon l’ombre d’une fillette depuis devenue maman.
La fraise et le kookaburra
(Old Parliament House Gardens, Canberra, ACT, 14-03-11)
Il avait fallu se lever tôt, beaucoup trop tôt pour un jour férié frisquet et nuageux. Le chocolat chaud avait été bien vite avalé, qui en tasse, qui en biberon et la route avait bercé et façonné des têtes girouettes au gré de ses virages. Les yeux des plus petits, encore tout imprégnés de rêves se frottaient à des épaules douillettes, un bras confortablement passé autour d’un cou rassurant. Les petites mains s’accrochaient à un nounours ou un doudou, les tétines chutaient, semées par des petites bouches parties bien vite retrouver la douceur des songes. Les plus grands trottaient tout contre leurs parents, un peu inquiets de ces soufflements et ces flammes soudaines. Y avait-il donc des dragons invités pour Canberra Day ? Continue Reading →
Retour à Jervis Bay
La plage résonnait des éclats de rire ravis d’un petit garçon lancé hardiment à l’assaut de ses premières glissades. La planche, tirée tambour battant par un papa galopant, ébouriffait les vagues qui se perdaient en petits clapotis, mi-réprobateurs mi-attendris. Tout près, un petit fichu fleuri coiffait une petite mine décidée, presque ronchon, dont le froncement de sourcils traduisait le peu de cas que les petites jambes dodues faisaient de ces grains de sable qui se faufilaient désagréablement entre les orteils. Continue Reading →
George de la plaine
(Du haut de ces éoliennes, plus de quinze ans de sécheresse vous contemplent)
Remembrance Highway déroule son large ruban de bitume blanchi de chaleur. Les nuages s’amoncellent et dessinent au ciel des sourcils froncés et menaçants que le soleil ne parvient plus à dérider. Les eucalyptus flanqués de graminées jaunies se succèdent dans les rétroviseurs, quelques currawongs volètent paresseusement de place en place, cherchant du regard une nouvelle carcasse de kangourou à se caler sous le bec. L’air pétille de crépitements d’orage à venir et mousse de tourbillons d’insectes affolés.