Trafic de (bonnes) feuilles

Si le gène de l’organisation rationnelle s’est quelque peu perdu en cours de route lors de la distribution des paires de chromosomes aux deux futurs Chercheurs d’Oz, celui de la bouquinisite aigue fut généreusement alloué, avec une copie tout particulièrement efficace pour LaGB. Si efficace qu’elle transforme son infortunée propriétaire en loup-garou dont l’amabilité est inversement proportionnelle à la pilosité plantaire (ah non ! ça, c’est juste une réaction au manque de chocolat) un hybride de papivore acharnée, de bouquinophile éperdue et de pavétophage compulsive, dévorant des yeux tout écrit passant à sa portée. Il se murmure même que pour aimer autant la pâte à bois, LaGB a dû être un castor junior dans une vie antérieure… Le troupeau de Billy élevé dans notre petit nid mi-bordelais mi-suédois n’a d’ailleurs pas résisté bien longtemps à l’avalanche bihebdomadaire de piles précaires mêlant au petit bonheur la chance nouveaux et plus anciens volumes selon un agencement défiant crânement les lois de la pesanteur…

Les bonnes habitudes ayant la vie dure, aussitôt en Australie installés, aussitôt à la chasse au pavé lancés (enfin, après une petite phase d’adaptation nécessaire à la lecture en version anglaise)… Le livre (de poche inclus) neuf se négociant ici à un prix oscillant entre l’once d’or de platine et les 100 grammes de truffe, nous avons relégué dans la petite boîte aux doux souvenirs trésors et promesses d’évasion dénichés dans le labyrinthe de la caverne d’Ali Baba chez Mollat et transformé nos flâneries nez au vent le long des rayons de librairies en écumage méthodique de garage sales, épluchage systématique d’Ebay Australie et échangeage (palsambleu ! ça ne rimera pas !) de bonnes feuilles avec nos voisins de palier. De quoi nous renvoyer brusquement à la cour de récré, ayant troqué les billes pour les livres mais n’ayant pas pour autant renoncé au petit marchandage de circonstance :

-Je te prête ‘The God of Small Things’ en échange de ‘The Road’, ça te dit ?
-Ah non ! Pour ‘The Road’, je veux deux livres, il est super gros (tu parles !) et puis en plus, il a eu le prix Poulie de Sœur.
-Puisque c’est comme ca, je te cause plus veux deux bouquins aussi pour ‘A Short History of Tractors in Ukrainian’ parce que la couverture est jolie. Non mais !

Fous rires et trépignements  capricieux mis à part, un des avantages certains à ce trafic local de livres est l’obligation de faire avec ce qu’on a à se mettre sous la pupille. Foin d’auteurs fétiches, le piquant du jeu tient à la nécessité d’adapter ses envies au choix restreint proposé, posant comme pré-requis incontournable l’abandon de ses petites habitudes et idées préconçues. Condition jusqu’à présent fort bien respectée mais qui risque de connaître rapidement quelques ratés, la lecture en langue anglaise tenant de plus en plus du réflexe, entraînant une nouvelle offensive de l’esprit frappeur râleur qui combat gnangnan et plan plan à la pointe du cure-dent de la plume… A moins que la critique acerbe ne capitule devant LaGB(oulotteusedebouquins) dont le retour a été officiellement enregistré dimanche dernier avec un grignotage de 300 pages en une après-midi… Planquez les romans, tous aux abris !

3 thoughts on “Trafic de (bonnes) feuilles

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