Quand on commence une nouvelle vie à l’autre bout du monde et qu’on a pour tout bagage deux valises, aussi lourdes et bien remplies soient-elles, on manque ‘‘cruellement’’ d’objets du quotidien. Il faut donc se rééquiper de pied en cap mais les chaussures ne sont pas une priorité, parait-il. Certains n’ont vraiment pas le sens de l’essentiel !

Parmi les équipements incontournables ? La lampe de chevet, afin de mettre un terme aux discussions sans fin pour désigner qui de nous deux inspire l’autre sera le plus à même, au prix d’un effort surhumain, de se relever et d’affronter le froid polaire régnant hors de la couette pour éteindre le plafonnier… Le courageux désigné d’office devant ensuite retrouver à tâtons le chemin du lit et risquant par là-même la vie de ses orteils, vous comprendrez aisément que l’achat d’une lampe de chevet relevait d’une urgence certaine.

Nous partîmes donc un samedi matin pour Fyshwick, s’apprêtant gaiement à arpenter les rayons des sex-shops magasins de meubles (ce quartier mêle sans distinction toutes sortes de magasins de meubles et d’accessoires, vibrants ou non. On vous racontera plus en détails, c’est assez surprenant). Et nous revînmes à la nuit tombante, fourbus mais victorieux, brandissant tel un trophée la lampe de chevet tant convoitée, qui nous promettait un confort inégalé et la fin de nos rhumes à répétition. Lampe de chevet fort sophistiquée et ma foi ! supposée hautement pratique : plus besoin d’interrupteur à chercher à tâtons, il suffit de lui effleurer le pied (une lampe fétichiste, on s’est peut-être plantés de magasin, tout compte fait…) et hop ! la lumière est.

Las ! Tout fout l’camp, ma pauv’ Lucette et les lampes made in China ne sont plus ce qu’elles étaient… Ravis de votre achat, vous vous précipitez, voulant à tout prix profiter immédiatement de ce luxe tant appelé de vos vœux. Et paf ! vas-y que je te visse ampoule et abat-jour au pied de lampe et plop ! voilà que je te branche le tout. Un effleurement plus tard, bonheur ! Mais, à y regarder de plus près, ça penche un peu, quand même. Un peu ? Beaucoup, à bien y réfléchir… Qu’à cela ne tienne, il suffit de dévisser un… *nuit*

peu la *lumière*

structure de *nuit*

l’abat-jour et *lumière*

J’y vois plus rien ! *nuit*

Aaaaahhhh ! What the f*lumière*

ck is that damned f*nuit*

cking lamp ! * lumière*

Le stock de jurons épuisé, la rétine brûlée et la bave aux lèvres, vous vous résolvez la mort dans l’âme à allumer le plafonnier et débrancher votre satanée (stock de jurons clairement épuisé) lampe de chevet pour enfin la caler un peu plus droit. Juste un peu plus parce qu’elle a beau être de fabrication chinoise, elle se sent italienne et a décidé de vivre sa vie comme à Pise (mais dans l’autre sens parce qu’on est dans l’hémisphère Sud, que diable !). Un peu moins ravis de votre achat, maintenant que vous avez laissé une bonne part de votre acuité visuelle et de votre sens de l’humour dans la bataille, vous vous apprêtez à profiter sereinement du confort promis, si tant est que vous arriviez à vous détendre… Quand vous vous apercevez qu’elle *nuit*

n’est *lumière*

pas si *nuit*

bien *lumière*

*nuit*

placée que *lumière*

ça *nuit*

Cratchabang ! (orteil s’écrasant douloureusement contre un pied du lit) *lumière*

Schkliiiiing ! (lampe balancée sauvagement par la fenêtre) *nuit* *courant d’air froid*

« Finalement, on est mieux sans lampe de chevet : on avait dit déco minimaliste, suppression du superflu. Et puis je l’aime bien, ce rituel du plafonnier, pas toi ?  La fenêtre cassée ? Quelle fenêtre cassée ? Tu chipotes, elle est simplement ouverte de facon permanente, c’est tout.  En plus, c’est  super important de dormir dans une pièce bien aérée, la circulation, tout ca… Non, je t’assure, c’est vachement mieux ainsi. »

« Dis… tu te lèves pour éteindre la lampe, petit cœur ? J’ai froid aux pieds, j’peux pas y aller… »