King Cross, plateformes 9’3/4

King Cross, un samedi soir… Les jupes raccourcissent à vue d’œil, les talons se sentent pousser des ailes. Les néons luisent en flaques dans la nuit tout juste née. Les trottoirs débordent de passants à l’œil aussi égrillard qu’aiguisé, les taxis mènent une ronde endiablée, déversant sans interruption de nouveaux amateurs de sensations fortes, exotiques, corsées ou piquantes. Les sex-shops brillent de mille jeux, les touristes se pressent, sourire en coin et gloussements mi-gênés mi-émoustillés. Les danseuses rejoignent leur lieu de travail, se maquillent, s’enrésillent, se poudrent, s’étirent et se dévoilent. Les cartes de « clubs privés » s’échangent de la main à la main, chacune promettant découvertes et délices incomparables. Policiers et agents de sécurité sillonnent la foule, saluant, serrant des mains, discutant de coin de trottoir en entrée de bar. La bière, les mojitos, le whisky et la sangria coulent à flots, les groupes se font et se défont, se jaugent et se mesurent. Déjà, les rires se perchent, les regards se frôlent et les voix partent à l’assaut de la nuit qui débute.

King Cross, un samedi dans la nuit… Les boites et les bars ne se vident que durant les quelques instants nécessaires à la prise d’une rapide respiration nicotinée. A moins qu’on ne préfère se livrer à une très active spéléo exploratrice conter fleurette assis sur les marches, un peu à l’écart. Les plus éméchées enjouées opteront pour le crêpage de chignon sur talons aiguille, le coup de boule étant offert par la maison pour tout échange digne de ce nom de gifles, de griffures et de coups de poings dans le nez. Les galants finiront par s’interposer en riant, observateurs goguenards, plus qu’emballés par la démonstration de leurs conquêtes.

King Cross, un dimanche matin, très tôt… Les fêtards sont rentrés, zigzaguant, titubant et se sont effondrés, seuls ou non, au creux d’un oreiller compatissant. Les orteils maltraités, engoncés dans des talons trop pigeonnants jouent les gyrophares de pacotille. Les têtes sont lourdes de vapeurs, de mélanges à haute concentration alcoolique et de cris. Les visages sont maculés de traces de maquillage mal effacé, parfois mêlé de larmes. Certaines veines écumées de bleus et de cicatrices ne parviennent plus à faire oublier ces traces sinistres que la nuit adoucissait. Prostituées fatiguées et sans-abris sans sommeil prennent le relais des talons, des strass et des rires. Les bas sont distendus, les cernes sont marqués et les sourires ont fondu un peu avant l’aube.

King Cross, un dimanche matin, un tout petit peu plus tard… Eboueurs et ambulanciers sirotent un short black sur le deck (le petit noir sur le zinc local) des tout premiers cafés ouverts. Doucement, les stigmates d’une nuit trop courte (ou trop longue ?) s’estompent, les visages se lissent, les regards s’adoucissent. Le manège pourra se remettre en branle le soir venu.

3 thoughts on “King Cross, plateformes 9’3/4

    • lagrandeblonde Post author

      Effectivement… C’etait tres sympa le soir, bouillonnant, plein de vie, plutot tres bon enfant. Mais le lendemain matin, la lumiere etait plus crue et ne pardonnait rien. C’est parfois triste une ville au petit matin.

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