Après la pluie
Le climat de Canberra n’a rien de tropical, tout le monde vous le dira. Tout le monde ? Pas tout à fait : certains nuages refusent catégoriquement de capituler face à un constat pourtant diantrement évident. Et piquent régulièrement des colères noires, trépignant de rage et se répandant en gouttes furieuses au-dessus de la ville. Caprices de nuages adolescents, brutaux, phénoménaux, grandiloquents mais de courte durée et heureusement aisément prévisibles. Un petit coup d’œil au ciel et vous voilà fixés : aujourd’hui, il faudra laisser passer l’orage, faire le dos rond quelques heures durant, tenter de passer entre les gouttes de la crise (et se tenir éloigné des portails de garage, rajoute LeGB).
Aujourd’hui était un jour à crise nuageuse, une journée à dos rond et cou rentré dans les épaules , bottes de caoutchouc sorties et parapluie ouvert. Les premiers sacs à vapeur se sont imposés très tôt ce matin, capricieux et grognons, dans un joli ciel d’automne pimpant et pétillant de fraîcheur. Un puis deux puis trois, bientôt devenus cinq, six, sept. Rapidement, le ciel tout entier s’est vu recouvert d’une foule compacte, sombre et colérique, soufflante et grondante. Une assemblée générale de gouttes s’est tenue de longues heures durant, les mésententes se cristallisant sur la conduite à tenir : tomber ou ne pas tomber ? Tonner ou ne pas tonner ?
Et puis soudain, quelques premières gouttes, lasses de ces discussions évaporées, se sont élancées bille en tête vers le sol, visant qui un eucalyptus ou un cacatoès, qui un pare-brise ou un bâtiment. En quelques instants, la colère contenue si longuement dans chacune des minuscules gouttelettes a enfin pu éclater en une myriade de projectiles liquides. Les oiseaux se sont tus, filant bien vite retrouver la douceur d’un abri rassurant, les phares se sont allumés, les conducteurs se sont crispés et les essuie-glaces ont entamé leur travail de titan. Les regards se sont levés des paillasses, ont glissé vers les fenêtres puis les plafonds, guettant la fuite du toit qui ne manquerait pas d’ajouter sa petite touche de folie au déchainement soudain. Canberra, pour quelques minutes, a revêtu ses atours tropicaux, battue par les vents, assommée de gouttes furieuses, recouverte d’un rideau liquide au martèlement hypnotique.
Sans crier gare, la hargne nuageuse s’est apaisée, aussi brutalement qu’elle s’était déchainée. Les derniers lambeaux brumeux se sont dissipés, le ciel a retrouvé son petit air pimpant et guilleret. Les oiseaux ont bien vite délaissé leur cachette, s’ébrouant avec bonheur sous le soleil revenu. Les arbres ont secoué leurs branches, se débarrassant de la lourde chape d’eau déposée sur leurs feuilles. De grands nuages de pollen se sont déposés sur les trottoir en arabesques fantasmagoriques, les parapluies se sont refermés et certaines chaussures ont sauté à pieds joints dans les flaques toutes neuves, afin de fêter dignement le retour de la sérénité nuageuse… jusqu’à la prochaine colère noire.
Ha ha ha! Ce subterfuge cousu de fil blanc ne fonctionnera pas. Comme si une petite pluie tropicale pouvait nous faire renoncer à un barbecue austral… C’est mal nous connaître
D’autant que Mercedes, ni la pluie battante, le gel, ni meme la grele ne lui font peur quand il s’agit de chauffer
Marcel