Fenêtre sur mont
(Seaman’s Hut, Mount Kosciuszko, NSW, 03-04-2011)
05 heures 00, heure d’été : bip, bip, biiiiiiiiip.
« Mleubeuleuh ? »
Petit coup d’œil à la montre, bordée de malédictions fortement teintées de jurons (ou vis-versa) lancée abruptement au réveil qui n’a pas changé pas d’heure tout seul, retournage sur matelas, petit coup de coude dans l’oreiller pour le retaper, enroulement façon nem dans la couette, rendormissement.
05 heures 00, heure d’hiver : bip, bip, biiiiiiiiip.
« Mleubeuleuh ? »
Petit coup d’œil à la montre, bordée de malédictions fortement teintées de jurons (ou vis-versa) lancée abruptement au réveil qui n’avait pas changé d’heure tout seul, retournage sur matelas, petit coup de coude dans LeGB pour le réveiller, enroulement façon nem dans la couette, rendormissement. Quoi ? Comment ça, c’est plus le moment de conter fleurette à Morphée ?
Sortie prudente d’un premier orteil hors de la couette, puis d’un second, bientôt suivi par toute la famille Phalange. Tâtonnements ensuqués jusqu’à la porte de la salle de bains, qui sera trouvée par le menton. Nouvelle bordée de jurons et massage de la pauvre mâchoire endolorie.
Ouverture difficile, en plusieurs tentatives, d’un œil puis de l’autre sous la douche.
05 heures 28 : les portières claquent, Kroket vrombit, frétille du pot d’échappement, tortille du compteur et s’élance au galop, moteur au vent, direction les vastes plaines, la majesté du bush, la beauté des étendues sauvages… et surtout l’éclatante lumière de la station service.
05 heures 43 : cette fois, pour de bon, en route, mauvaise troupe !
06 heures 02 : tiens ! j’ai cru voir un Gros Minet kangourou ! Mais oui ! C’est un kangourou, presque sous les roues de Kroket, à la sortie de Tuggeranong. Et du maousse, s’il vous plaît, pas de la broutille de kangourou, pas du kangourou de poche, oh ça non ! C’est qu’on a un certain standing à tenir, tout de même, très chère…
06 heures 02, 10 centièmes de secondes plus tard : tonk !
Queue de kangourou contre pare-choc. Plus de peur que de mal, l’un repartira la queue basse en tire-bouchon quelque peu déviée, les autres frissonnant à qui mieux mieux, guettant la moindre ombre sur la route, le plus petit bout de buisson qui, par un mauvais tour de l’aube toute fraîche, ressemble à s’y méprendre à un sympathique aspirant Skippy en vadrouille.
07 heures 13 : Cooma, nous voilà !
« T’as vu un peu cette rosée ? C’est fou, hein, comme on dirait du givre… Et sur les pare-brises, tu crois que c’est de la rosée aussi ? C’est de la rosée, hein ! Dis-moi que ce n’est pas du givre ! »Vérification faite, c’est bien du givre. Echange de regards désespérés, chaussage du bonnet emmené juste-au-cas-où et déclaration d’amour enflammée à la polaire douillette enfilée pour entretenir la délicieuse illusion d’être toujours lové sous la couette.
07 heures 17 : « Calembredaines et bouchées à la reine ! Peuvent pas avoir un café ouvert à cette heure-ci ! Bougres de gastéropodes des contreforts alpins ! ».
De 07 heures 18 à 07 heures 58 : gargouillis d’estomac mécontents.
07 heures 23 : c’est la mer…de nuages, le joli ciel bleu glacier, pétillant laisse place en quelques instants à une purée de pois rébarbative à souhait. Ca sent le roussi pour l’ascension du plus haut sommet australien… Damned !
07 heures 59 : arrivée à Jindabyne. L’estomac dans les arpions et des frissons jusqu’au croupion, direction l’un des deux seuls cafés ouverts. Un bacon and egg roll et un café jus de chaussettes plus tard, les nuages paraissent déjà moins imposants et le froid moins mordant.
08 heures 25 : « Je ne fais pourtant de tort à personne en suivant mon chemin de petit bonhomme… »
Brassens chante encore jusqu’au pied du Mount Kosciuszko, accompagnant la routine d’un petit café tenu par des Français perdus dans un trou de red back des New South Wales…
08 heures 42 : il suffisait de demander, tous les nuages ont filé ! A nous l’Everest aussie !
08 heures 51 : tiens ! j’ai cru voir un Gros Minet wallabie ! Mais oui ! C’est un wallabie, presque sous les roues de Kroket, à la sortie d’un virage. Et du minuscule, s’il vous plaît, pas un monstre de kangourou mastoc, un vrai kangourou de poche, oh ça oui ! C’est qu’on a un certain standing à tenir, tout de même, très chère…
08 heures 51, 10 centièmes de secondes plus tard : un regard à Kroket, droit dans les phares et hop ! notre wallabie s’est déjà envolé enfui vers de plus calmes horizons.
09 heures 10 : Kroket peut enfin souffler et Thèse respirer l’air frais à plein poumons, nous voilà garés à Charlotte’s Pass. Deux pommes, une poignée de fruits secs, deux bouteilles d’eau, un Lonely Planet (what else ?), un mouton en peluche, deux appareils photo, un tube de crème solaire, un bonnet, deux polaires, un LeGB et une LaGB se lancent à l’assaut de Mount Kosciuszko.
De 09 heures 10 à 12 heures 18, par intervalles de trente secondes environ : « Que c’est beau ! Mais que c’est beau ! »
De 09 heures 11 à 12 heures 35, par intervalles de trente secondes environ : Clic, clac, Kodak Nikon !
12 heures 36 : « Tu crois qu’on se laisse tenter ? »
Depuis Charlotte’s Pass, le sentier qui mène au Mount Kosciuszko suit l’ancienne route. Sur les deux premiers kilomètres, le chemin est gardé d’eucalyptus battus par les vents, aux troncs couturés de cicatrices d’hivers trop rudes et d’étés brûlants. Certaines écorces se répandent en langues écarlates, flammèches orangées ondulant en bouquets gracieux le long des branches jusqu’au bord des feuilles. Rapidement, une végétation courte sur troncs prend le dessus, parsemée de boulders, courue par d’innombrables ruisselets qui glougloutent follement et sautillent gaiement de galet en rocher. Une première montée toute en douceur et l’on rejoint un plateau festonné de petits bouts de lacs qui narguent la Snowy River toute proche. Quelques minutes de souffle court plus tard, Seaman’s Hut se dessine, délicat refuge hors du temps, véritable maison de poupées d’altitude pour randonneurs en détresse.
Quelques virages, de l’herbe engoncée dans une gangue glacée peu décidée à relâcher sa prise de la nuit et Rawson Pass est déjà là. Tout près, à peine en contrebas, le Lake Cootapatamba joue les lézards glaciaires, miroitant d’écailles liquides sous un soleil tout acquis à sa cause. Encore un petit kilomètre, un peu de dénivelé, le toit de l’Australie nous tend les bras. Le pique-nique semble la norme, certains ont amené bonne bouteille et toasts, verres à pied et mignardises. Une pomme et une gorgée d’eau avalées en savourant nos 2228 mètres de sommet, un conciliabule mi-prudent, mi-euphorique tenu à voix basse et nous repartons, hésitant encore : qui de la raison forcément barbante parce que raisonnable (justement) ou de la petite folie évidemment pas tout à fait maligne mais follement tentante (justement) l’emportera ?
(A suivre !)
je viens de reregarder les photos
Attends la suite… Decrochage de machoire assure !