La belle étoile

(Huskisson, NSW, au point du jour, 31-07-2011)

Samedi soir, 19 heures. Une envie soudaine d’océan qui vous saisit avec toute l’intensité d’une lubie, aussi irrépressible qu’une envie de chocolat. Un regard de concertation et un hochement de tête diantrement enthousiaste plus tard, les brosses à dents rejoignent Thèse au fond du sac à dos et hop ! pneus à terre et fleur au fusil, direction Jervis Bay à toute berzingue. C’est qu’il ne faut jamais contrarier une envie d’océan, jamais. Ni de chocolat, d’ailleurs. On ne plaisante pas avec le chocolat l’océan, non, vraiment.

Collector, Yarra et puis bientôt Goulburn… Les kilomètres défilent et les lapins aussi, qui pullulent sur les bas-côtés. Très vite (enfin, presque), la highway cède sa place aux virages bucoliques de Kangaroo Valley. Des forêts d’eucalyptus, quelques champs qui brillent sous la lune et, au détour d’un tronc d’arbre, un, deux puis trois wombats grignotant de concert, fort consciencieusement, quelques savoureuses jeunes pousses. Une année d’observations compilées et soigneusement analysées avait progressivement imposé l’hypothèse suivante : un wombat digne de ce nom est un wombat dessiné sur les panneaux de signalisation ou, mieux, gisant les quatre fers en l’air sur le bord de la route, de préférence orné d’une bande de peinture rouge ou verte. Hypothèse désormais rejetée, les wombats en état de marche ne sont donc ni une légende urbaine ni de l’histoire ancienne…

Quelques aigus petits cris ravis plus tard, Nowra est déjà là. La fatigue ne se faisant pas encore sentir, pourquoi ne pas pousser jusqu’à Huskisson et avoir ainsi la joie de s’endormir bercés par le murmure du ressac ? Aussitôt envisagé, aussitôt décidé et très bientôt arrivés. 22 heures 30, les vagues sont au rendez-vous, les étoiles aussi, tout comme le froid piquant qui ne daigne pas décidément pas se faire oublier. Ne reste plus qu’à trouver un toit pour la nuit. Le Husky Pub ? En travaux, les chambres sont réduites à l’état de gravats, damned ! Les motels ? Réceptions fermées et coquettes pancartes « de retour demain matin à 8 heures » dodelinant malicieusement de la ficelle sur les portes verrouillées. Tourist parks et B&B offrent également porte close et lumières éteintes…

Un autre regard de concertation, un autre hochement de tête, diantrement amusé cette fois-ci. Un parking tout en bord de plage, quelques eucalyptus et autant de filaos sifflotant à feuilles perdues dans la brise nocturne, des étoiles qui jouent à cache-cache dans les frondaisons et des vagues qui susurrent des mots doux aux coquillages ? Voilà qui fera un parfait pied-à-terre improvisé, non ?

Manteaux et pulls savamment intercalés en couches douillettes, un brin de chauffage et extinction des phares pour une première nuit à la belle étoile, entrecoupée de nombreux coups d’œil aux alentours, transis (mais c’est qu’il fait un f*cking froid de wombat laineux, ici !), quelque peu anxieux (pourvu qu’on ne se fasse pas verbaliser…) mais également et surtout pleins d’espoir (mais ils sont où, les kangourous ?). Nuit aussi parsemée de quelques crampes  : il ne fait pas bon être grands quand Kroket sert de motel…

Et un réveil au tout petit matin, tirés du sommeil par quelque frétillant rayon de soleil chatouillant les paupières, un réveil  les yeux écarquillés devant un ciel qui se pare d’écarlate, de pourpre et de grenat. Encore tout englués de sommeil, fouler, grelottants, une plage déserte, au sable rosi d’aurore et voir l’océan palpiter, se teinter d’ardoise, d’indigo puis de turquoise éclatant. Se gorger de soleil levant et de pépiements d’oiseaux, délasser ses muscles engourdis, savourer sa douce solitude et l’infime chuchotis des vagues couvrant sable et rochers de tendresse et d’écume légère.

Une mouette s’envole, plage et jetée accueillent leurs premiers promeneurs, le soleil n’en finit pas de se hisser au-delà des plumes de brume. Supply ne va pas tarder à ouvrir ses portes, l’heure du petit-déjeuner approche à grands pas…Il est temps de s’étirer, de s’ébrouer et de laisser aux souvenirs cette drôle de nuit et ce si beau matin.  Mais aussi temps d’enfin équiper Kroket d’une couverture douillette : il faudrait voir à ne pas être pris au dépourvu la prochaine fois…

4 thoughts on “La belle étoile

    • lagrandeblonde Post author

      Yep ! C’etait inattendu mais tres chouette (bien qu’un peu frisquet, tout de meme !). Vivement la prochaine fois !

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    • lagrandeblonde Post author

      Vous allez sans doute en voir des bien chouettes aussi, de levers de soleil… On attend les photos !

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