(Où il est question de guacamole et de sac à dos)

NDLaGB : cette recette demande (poliment, certes, mais elle insiste, la bougresse) un minimum d’organisation, de vadrouille, d’essence et de patience. Ainsi que l’aide d’une bonne carte routière.

Prenez quelques jours de vacances au début du mois de septembre. Sillonnez la côte nord des New South Wales puis décidez de bifurquer vers l’ouest, ses montagnes, ses virages et ses champs de canne. Extasiez-vous de concert au moindre brin d’herbe et trépignez d’impatience à l’idée de bientôt poser une roue dans le Queensland. Au gré des kilomètres, aiguisez votre œil et repérez moult petites échoppes de bord de route, promettant fruits et merveilles à qui s’arrêtera. Bien vite, laissez-vous tenter par les pancartes vantant les mignonnes bananes et les oranges si douces, le maïs moelleux et les avocats fondants en libre-service. Freinez brutalement en plein virage, galopez toutes portières ouvertes jusqu’à la petite cahute la plus proche et trouvez-vous soudain en plein hyperventilation à la vue des prix plus que dérisoires pratiqués.

NDLaGB : voilà bien six mois que les bananes jouent les presque caviars par chez nous, flirtant allégrement avec les 15 dollars au kilo. Aussi, tomber nez à pédoncule avec de délicates Lady Finger à trois dollars le kilo a de quoi vous perturber…

Sautillez partout en agitant les bras et en hululant gaillardement puis constituez votre trésor de guerre, tout de bananes fabuleuses, d’avocats en béton encore jeunes et d’oranges goûtues. Confiez d’un air très sûr à un LeGB circonspect que, bien évidemment, les treize avocats auront mûri avant la fin du voyage et tartinez votre affirmation de grands discours sur le rôle de l’éthylène dans la crise climactérique et le subséquent mécanisme moléculaire de mûrissement.

Les jours passant, boulottez bananes et oranges, soupirez d’aise et vérifiez sans relâche la souplesse de vos avocats. Au fur et à mesure, adoptez une mine de plus en plus crispée et commencez à envisager un prolongement des vacances. Au matin du retour, la mort dans l’âme et l’estomac dans les talons, résignez-vous : la crise climactérique, c’est pas automatique… Glissez tant bien que mal vos 4 kilos 876 d’avocats dans un sac à dos déjà trop plein et, une fois votre van rendu à son légitime propriétaire, filez reprendre le bus. Enfin… traînez-vous misérablement, titubant sous le poids du linge sale des avocats.

Une fois de retour dans vos pénates, précipitez-vous pleins d’espoir sur vos précieux fruits et déchantez bien vite. Décidément, les avocats du Queensland sont une sacrée bande d’insensibles qui ne réagissent même pas au jus de chaussettes… Dammit ! De dépit, abandonnez-les donc dans la corbeille à fruits, sans plus une attention ou même un regard, oubliez-en jusqu’à leur existence.

Et puis, au détour d’un samedi soir, daignez vous en approcher à nouveau et réalisez, exaspérés mais ravis, qu’enfin, ces satanées mules d’avocats ont décidé de faire preuve de souplesse. Tous en même temps, évidemment. Lancez-vous alors dans un véritable arc-en-ciel de guacamole, avec ou sans huile de sésame, avec ou sans zeste de citron, avec ou sans coriandre fraîche. Régalez-vous en pensant que, quand même, il aurait été bien agréable de déguster lesdits guacamole les pieds dans le sable en écoutant les flamboyants siffloter. Laissez s’échapper un léger soupir et surprenez alors le petit ricanement cruel des avocats rescapés, bien planqués au fond de la corbeille à fruits, ravis de la réussite de leur plan machiavélique…