Princesses, vous avez dit princesses ?

(Longue, très longue encore est la route…)

Ce qui suit n’a rien à voir avec la choucroute l’Australie. Ou si peu…

Il y a de cela quelques jours, par la grâce du hasard qui fait parfois rudement bien les choses, il s’est produit comme un grand feu d’artifice dans la tête de LaGB, conséquence inattendue du télescopage de deux neurones d’une requête Google et d’un édito. La requête s’interrogeait, studieuse et binoclarde, sur les caractéristiques qui pourraient définir un chercheur scientifique lambda max (on est loin des requêtes patatesques). L’édito, lui, maniait billevesées et clichés crasses avec une (non) dextérité redoutable et se terminait en apothéose avec cette phrase tout bonnement pharaonique : ‘‘Mariées ou pas, jeunes ou vieilles, ce qu’il faut revendiquer, c’est notre droit inaliénable à être des princesses’’… Voilà. Ca pique un peu les yeux, non ? Si, quand même, hein.

Il n’aura donc pas fallu plus que la rencontre intempestive de ces deux phrases dans un coin de cortex quelconque pour que LaGB entre en éruption ébullition méditation profonde, faisant le bilan, calmement, s’remémorant chaque instant (profitons-en d’ailleurs pour souligner également notre droit inaliénable à une culture musicale très fan des 90s’). Il faut dire que niveau princesse, LaGB n’y connait pas grand-chose et qu’elle a donc besoin d’une véritable réflexion pour se projeter correctement. En général, elle avait piscine quand il était question d’apprendre à se comporter comme une vraie princesse. Piscine, oui et non pas poney. Parce que le poney, c’est bien connu, est un sport de princesse. Et puis que, de toute façon, grande comme elle était déjà, le poney aurait eu six pattes. Et que, vraiment, un poney à six pattes, ce n’est guère pratique ni même très amusant.

Mais trêve de bavardages, revenons-en donc à nos licornes. Roses, de préférence, merci. Et à paillettes, ce serait bien urbain. Méditation profonde, donc, au cours de laquelle, plop, plop, plop, c’est tout un florilège de petites phrases et de grandes assertions entendues de-ci, de-là en laboratoire ces dernières années qui sont remontées à la surface :
-          jour de coupe en champ d’essai. Une doctorante et une stagiaire, deux sabres, 27 plots de canne à sucre, 30 degrés au thermomètre. Et un chercheur n’ayant jamais mis le quart du commencement d’un orteil sur le terrain qui s’esclaffe : « Mais où on va, là ? Ils nous collent des femelles pour la récolte, maintenant ! Mais vous savez au moins dans quel sens ça se prend, un sabre ? », (jusqu’à preuve du contraire, on n’a guère besoin que de ses mains pour tenir un sabre. Pas de préjudice particulier à redouter en cas d’absence d’attributs mâles, si ?),
-       au coin café un beau matin de printemps, « Oh ben tu sais, Untel, il ne veut jamais prendre que des filles en stage, il ne retiendra jamais de garçon. Et puis il demande aussi toujours une photo, parce que bon, hein, faut bien choisir et puis, faut qu’il se fasse un peu plaisir aussi quand même… Attends, il va l’avoir sous les yeux pendant six mois, sa stagiaire, autant qu’elle soit mignonne. »,
-          sur un coin de paillasse/devant un bain-marie/à côté d’une centrifugeuse/sous une hotte/en serre/insérez ici le lieu de votre choix, « Tu veux vraiment faire une thèse ? Non mais, vraiment ? Tu sais, si tu veux des enfants, instit’ ou prof, c’est mieux, quand même pour une femme », « Tu sais ce qu’on dit, de toute façon, tous les directeurs de thèse couchent avec leur thésarde, tous, sans exception. Faut c’qui faut si tu veux ta thèse… », « Attends, pourquoi tu perds ton temps à nettoyer le labo ? Si c’est ça que tu veux, fais technicienne, pas chercheur, faut savoir où est ta place »,
-          au cours d’une réunion de préparation des prochains essais, « Mais tu sais que ça va être fatigant, hein ? Tu sais qu’il va faire chaud, en champ ? C’est physique, tout de même. Et puis, bon, vous les femmes, vous avez vos petites excuses, vos vapeurs, tout ça. C’est pas raisonnable d’aller en champ, faut laisser ça aux hommes ! ». (Oh ben non, je n’en sais  vraiment rien de tout ça… Il faut dire qu’à part tresser la crinière de ma licorne, je ne m’intéresse pas à grand-chose.)

A ce stade précis de la méditation profonde sus citée, LaGB a la bave aux lèvres des idées de vengeance terrible impliquant nombre d’arc-en-ciel et de Petits Poneys comme l’impression qu’Alix et son édito, perdus au sommet de leur donjon rose à fanfreluches, se fourvoient allègrement. Et pour le coup, LaGB préférerait vraiment much much more qu’Alix y reste tranquillement, dans son donjon merveilleux à frous-frous et paillettes. Et qu’elle se contente, pourquoi pas, d’y arroser son basilic de princesse au lieu de pondre des inepties pareilles.

Parce que non, toutes les femmes ne rêvent pas d’être des princesses. Parce que LaGB aimerait bien que dans son petit coin à elle, quand elle jette un coup d’œil dans son petit bout de lorgnette pourtant loin d’être à plaindre, elle puisse s’apercevoir que le ratio hommes/femmes, en général à peu près équilibré en ce qui concerne les techniciens, s’est amélioré et est devenu un tantinet moins extrême pour les chercheurs (dernier ratio observé au quotidien ? 2 femmes pour 13 hommes). Parce que oui, on peut aimer mettre du vernis à ongles et aller en champ d’essai, porter des jupes et manier un sabre, mettre des fleurs dans ses cheveux et gérer comme tout un chacun les soucis de champ ou de pipette, en jurant comme un charretier si le besoin ou l’envie s’en fait sentir. On peut aussi et surtout vouloir se donner d’autres horizons, d’autres ambitions que les petites boîtes bien nettes et si clairement ordonnées dans lesquelles d’aucun(e)s veulent absolument confiner les un(e)s et les autres. Parce que non, décidément, les licornes, les arc-en-ciel et les princes charmants à attendre sagement, transie dans son château, ça ne fait pas forcément rêver tout le monde. Parce que, n’en déplaise à Alix, certaines préfèrent, ô surprise ! aller chasser le dragon de leurs propres ailes et se définissent autrement que par un statut de petite chose fragile à protéger, irritant statut étriqué et réducteur qu’il faudrait, soi-disant, revendiquer par-dessus tout.

12 thoughts on “Princesses, vous avez dit princesses ?

  1. Madame Patate

    Porter une jupe et manier le sabre, ça n’a rien d’improbable, regarde les Ecossais, ils faisaient ça très bien. Dans les champs, déjà. Enfin heu, sur les champs, de bataille, mais c’est kif kif pareil.

    Sinon, rien à rajouter.
    A part quelques coups de pieds au Q qui se perdent pour pas mal de tes collègues mâles (Et comme j’en suis une, de princesse, j’ai le pied délicat et chaussé de pointu, je pense que j’irais assez profond pour leur remuer quelques neurones)

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    • lagrandeblonde Post author

      J’ai une drole d’image en tete maintenant, a base de tubercule, de soulier pointu et de neurone profondement remue…
      Bonne idee, les Ecossais. A la prochaine viree en champ, j’exige le kilt pour mes collegues, tiens ;-)

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  2. La Ptite Lilie

    Je reste assez sceptique quand au rapport du « mademoiselle/madame » et des princesses … Tu le sais, moi « Madame », j’aime pas, ça me hérisse le poil, c’est un peu du Nutella sur une tartine de Marmite, inconcevable !!

    Et pourtant, je n’aime pas du tout son discours à cette Alix Girod (j’avoue, je ne la connaissais même pas…)

    Je n’ajouterais rien à ta grande méditation, parce que je la trouve juste. Et je me joins à Madame Patate pour les coups de pieds au c*l qui se perdent… Tes collègues me rappellent des futurs (déjà ex) employeurs chez qui je postulais :
    – Non, non ce poste n’est pas pour vous, vous faites bien trop jeune et puis bon, nous préfèrerions un homme (là inutile de te dire que je bouillais)
    Par contre, nous recherchons une hôtesse trilingue, vous avez le physique parfait Mademoiselle!!! Alors?

    Alors, La Ptite Lilie a ramassé son sac à mains, a jeté ses cheveux en arrière et a tourné les talons en leur disant gentillement d’aller se faire voir… Non mais sans blague!

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    • lagrandeblonde Post author

      En ce qui concerne mademoiselle/madame, l’idee de ne pas avoir forcement a associer un statut marital a son « identite » est bonne en soi mais peut-etre pas menee comme il faut. Ici, je coche systematiquement Ms et non Miss ou Mrs, j’aime avoir ce choix-la, j’aime l’idee qu’on puisse se definir un peu plus comme on le souhaite, j’aime que le fait d’etre mariee ou non ne regarde que moi (well et le premier concerne aussi mais bon…).
      Le coup de lier madame/mademoiselle a cette ridicule histoire de droit a etre une princesse etait tres, tres fort dans l’edito en question. Ca m’a fait litteralement bondir, j’ai grommele pendant une semaine et demie… et j’ai fini par degainer le clavier. Non mais !

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    • lagrandeblonde Post author

      Ca devrait etre possible mais ca fait moins princesse quand meme. A moins que la criniere ne soit arc-en-ciel, dans ce cas-la, c’est OK !

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  3. Sev

    bien parlé et même constat de mon côté…. bossant dans un milieu essentiellement masculin.
    Mais je suis capable de tenir à mes mâles des discours aussi « machistes » qu’eux mais sur eux….ça les calme un peu… c’est déjà ça de gagner

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    • lagrandeblonde Post author

      Moi aussi, je tiens tete, je moque et je parodie, je renvoie dans les cordes avec le sourire quand il y a besoin et ca marche. J’essaie de faire en sorte de combattre certaines idees preconcues, ce n’est pas toujours simple mais oui, ca fait parfois avancer un peu les choses, ne serait-ce qu’a mon tout petit niveau. Et c’est chouette !

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  4. anne

    Rhoooo j’étais passée à côté de ce post … et je te retrouve bien là!
    Merci, il y a encore à batailler pour que les femmes soient considérées des Hommes comme les autres, et pas ces petites choses fragiles. Je dirai même des adultes comme les autres, et pas ces petites choses infantiles … on a pas le droit de faire nos propres choix, chemins? Non mais!

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    • lagrandeblonde Post author

      Oui, y a encore du chemin, c’est sur. Mais petit a petit, si on se donne la peine de ne jamais baisser les bras, les choses s’amelioreront. J’espere !

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