Miss Representation

(You can’t be what you can’t see)

‘Déjà midi ? Dammit, faut que j’file !’ C’est par ce cri du cœur qu’une LaGB un brin échevelée a galopé jusqu’au Discovery à l’heure du lunch. C’est qu’il valait mieux ne pas être en retard pour la projection de Miss Representation, proposée par le CSIRO Gender Equity Committee. L’amphithéâtre est aux deux-tiers plein, ça s’installe en groupe et ça cherche les copains du regard, ça se perd en grands signes, ça boulotte son lunch en papotant avec les collègues, ça crayonne deux trois idées ou ça répond à quelques mails. Les lumières s’éteignent, le vidéoprojecteur pétouille un peu, on rit : les pétouilleries de vidéoprojecteur, c’est comme un rituel de début de réunion… Et puis les premières images apparaissent et le silence s’empare de la salle. Plus un froissement de papier, plus un grignotis de chips, plus un bavardage. Oh, quelques soupirs, oui, quelques exclamations étranglées, quelques accoudoirs que l’on malmène mais rien d’autre, pas un bruit. Des larmes aussi, parfois.

Une heure et demie durant, c’est toute une litanie de stéréotypes qui est patiemment démontée, c’est toute une image des femmes, image extrêmement dévalorisante et anxiogène qui est dénoncée. Et c’est un véritable coup de poing. Il y a une certaine violence à être ainsi confronté à ce qui finirait presque par ne même plus choquer, à force de devenir courant. Il y a une certaine violence à réaliser l’impact que cette image déplorable des femmes, sommées de n’être qu’un physique engageant, peut avoir sur les enfants, les adolescents et les jeunes adultes, hommes et femmes. Tout comme il y a un malaise certain à prendre conscience du tombereau de commentaires misogynes et méprisants sous lesquelles sont ensevelies les femmes de pouvoir. Et elles seules.

Mais il y a aussi beaucoup d’espoir… Et c’est là toute la réussite de Miss Representation : le constat est dramatique mais il ne tient qu’à nous d’essayer d’améliorer la situation. En prenant conscience du chemin qui reste à parcourir et en se lançant, chacun à son niveau, pour que les choses changent. Pour que le contenu importe plus que le contenant et qu’on cesse de réduire les femmes à un statut de, au choix, princesse, petite chose fragile à garder sous cloche ou objet servant à faire vendre des voitures/bières/tournevis/friteuses. Parce que ce changement-là est essentiel, pour les femmes, bien sûr mais aussi pour les hommes.

A la sortie de l’amphithéâtre, il était beaucoup question d’épauler un peu plus, un peu mieux les étudiantes en stage, les doctorantes et les post-docs. Pour que le ratio homme/femme s’équilibre enfin chez les scientifiques. Il était question de prendre le temps d’aller rencontrer des classes de high school pour expliquer que, fille ou garçon, si on veut faire des sciences, on peut et que rien, à part nous-même, ne peut nous en empêcher. Mais il était aussi beaucoup question d’enfin prendre un peu confiance en soi, d’enfin oser pour un peu s’imposer, pour enfin prendre sa place. Il était temps.

6 thoughts on “Miss Representation

  1. Maathiildee

    Aouch! Comme tu dis, c’est bien de proposer des solutions face à ce constat.

    Dans la même veine, ça me rappelle un spectacle pas mal du tout vu à Paris il y a quelques mois : I’m a emotional creature, d’Eve Ensler (Les Monologues du vagin).

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    • lagrandeblonde Post author

      Ca fait un sacre moment que j’entends parler des Monologues du Vagin, il faut que je la voie.
      Les solutions, « toutes simples » proposees m’ont vraiment paru un element essentiel du documentaire. C’est bien de constater mais c’est tellement mieux d’essayer de faire bouger les lignes, meme juste un peu.

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  2. Yannanaï

    C’est vraie que beaucoup de chose reste à faire. J’ai toujours été frappé que même dans un labo où les femmes sont majoritaires, elles sont plus souvent techniciennes que chercheuses et jamais chef d’équipes (ou très rarement, histoire de). Ce qui me fait penser que contre toute attente le monde de la recherche semble très conservateur (en France tout du moins mais peut être que je me trompe).
    Pour que ça change il va falloir y aller au chausse-pied si ce n’est au pied-de-biche.
    Et en complément, il faut repenser la place des hommes, c’est essentiel, afin de d’aller vers un équilibre.
    Une père ne doit pas culpabiliser de rester à la maison pour s’occuper des enfants ( C’est un exemple caricatural certes mais il me plaît bien).
    Avoir un chef ne doit pas être perçu comme dévalorisant pour l’homme si le chef est du sexe opposé. C’est un apprentissage dès le plus jeune age. C’est toujours triste de voir que des petits garçons n’ont pas le droit d’avoir un poupon sous prétexte que c’est un « jouet de fille ». C’est accepter et valider le schéma qui fait des hommes « les chefs » (de labo, de famille ect) et les femmes « leurs femmes » (qui s’occupe des enfants et ne sont donc pas chef).
    Je peux dire d’expérience que ne pas avoir de travail alors que votre moitié travail n’est pas perçu de la même manière suivant le sexe des personnes concernées. En tant qu’homme on se met une drôle de pression (alors même que madame ne demande rien ^^). Si, en plus, un enfant arrive alors là on peut atteindre des sommets de bêtise. Si c’est madame qui est sans emploi, ça l’occupera… Si c’est Monsieur, on ne manquera pas de demander comment la petite famille va s’en sortir sans que monsieur ne ramène un salaire…
    Bref, pour arriver à une égalité effective entre les deux sexes, il va falloir ferrailler pour briser le monopôle masculin dans certaines sphère mais aussi éduquer pour que cela rentre dans les mœurs.

    En tout cas, t’as bien raison de vouloir rappeler que ce n’est pas parce que les meilleurs places sont trustées par les hommes que c’est normal.

    Voilà voilà :-)

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    • lagrandeblonde Post author

      Merci, m’sieur, je n’ai rien du tout du tout a ajouter. Si ce n’est que si on r’connait quelqu’un a ses copains, on peut dire qu’on a beaucoup de chance, nos copains sont vraiment tres, tres chouettes ;-)
      (et je confirme, l’education des filles et des garcons est la base. On n’arrivera a rien sans ca) (ben voila, j’ai rajoute un truc…)

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  3. Sev

    ayant fait des études scientifiques, je ne peux qu’adhérer et travaillant maintenant dans une équipe exclusivement masculine, je constate tous les jours les remarques et les blagues « qu’ils pensent viriles, petits hommes des cavernes » (copyright Benebar).
    Heureusement, tous ne sont pas comme ça mais malheureusement, j’en ai un échantillon en contact direct et je me dis qu’en effet, le chemin est encore long….

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    • lagrandeblonde Post author

      Et c’est tres difficile de faire avancer les choses… C’est « pour rire », forcement. Mais on y arrivera !

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