As the world comes to an end
(… I’ll be here to hold your hand)
Il y a du sable sur mes semelles, un peu de sable sous mes paupières. Du sable et du silence. Un silence qui palpite, qui enfle et qui tremble un peu. Un silence qui inspire à toutes petites gorgées délicates et fragiles, un silence qui se berce de souvenirs et s’emmitoufle dans un cocon de tristesse et d’avant.
Il y a du sable sous mes paupières et puis ces sons, ces sons qui dansent, là, juste au creux des yeux, ces sons et ces images qui résonnent. Un sourire qui file d’une oreille à l’autre, un sourire qui frise jusqu’aux sourcils et au-delà. Un rire, oh ! ce rire ! Riche, roulant et bondissant. Pétillant aussi. Un rire qui creuse des sillons, des dunes et des mirages. Et des pattes d’oies qui plissent, des pattes d’oies qui éclairent, qui valsent et qui scintillent. Des rides qui disent la tendresse, l’amour. Comme une évidence. Comme une certitude, toujours. Un épi rebelle et persévérant, toujours le même, perché tout là-haut, un peu décalé sur la droite (ou bien la gauche ?), un peu penché, crânant sans répit et revendiquant haut et fort ses victoires permanentes sur le peigne. Et la brosse aussi. Sans oublier les ciseaux du pauvre coiffeur toujours désespéré d’avance.
Il y a tout ceci sous mes paupières, en petites perles serrées au ras des cils. Et puis du flou, du brumeux, du vaporeux, de l’endormi qui s’ébroue à peine, qui s’ébroue à la peine. Du brumeux qui murmure les longues heures d’été à discuter sur un coin de table ou à l’ombre d’une hêtraie, les prunes à confiture qui rougissent les doigts et les champignons qu’on piste sous la mousse ; la pêche et les balades au crépuscule peut-être, les bouquets de fleurs des champs sûrement ; les soirées d’hiver, le feu qui crépite et les discussions de grands qu’on épie du bout de l’oreille, l’air de rien, la couette jusqu’au menton et les yeux déjà bien lourds. Quelques mots qu’on grappille et auxquels, forcément, on ne pige que pouic. Mais quelques mots qui tiennent du trésor de guerre quand on a huit ans, presque toutes ses dents, très sommeil et une immense envie de devenir grande aussi pour veiller tard enfin et comprendre les bêtises que se racontent les adultes quand on est supposée dormir. Ces bêtises qui les font rire bien après que le feu se soit éteint et que l’hiver se soit enfui.
Tout ceci blotti sous mes paupières, tout ceci et puis ces quelques minutes sous un arbre, un matin de juillet, il y a deux ans. Un marronnier d’Inde tout chargé de jeunes fruits, des feuilles qui craquèlent déjà sous la chaleur et des moucherons qui valsent sous les branches. Des embrassades et des vœux de bon voyage, des que la route vous soit douce, des vœux et des à bientôt, des prenez soin de vous, des bon vent ! et des profitez, surtout, profitez bien. Des mots qu’on murmure, des larmes qu’on essuie d’un revers de manche, l’air de rien, des larmes qu’on camoufle et des sourires qu’on esquisse.
Il y a du sable sous mes paupières et puis des gouttes en petites perles serrées au ras des cils. D’autres sillons, d’autres dunes, d’autres méandres tracés de peine. De peine et de cette distance qui explose soudain, comme un gouffre, si vaste, si dense entre soi et ceux qui sont loin, si loin. Cette distance dont on se gaussait encore hier à peine, en haussant les épaules l’air de rien, si sûrs de nous, si sûrs de tout. Cette distance qui envahit soudain le moindre petit recoin d’espace.
Il y a du sable sous mes paupières et des mots qui se pressent, ces mots qu’on aurait voulu murmurer, ceux que l’on sait déjà, ceux que l’on saura toujours. Ces petits mots de rien tressés en guirlandes de tendresse que l’on enroule au cou des étoiles quand la nuit s’en vient. Pour que la brise les chuchote et les sifflote, oublieuse des distances, à ceux qui sont si loin mais soudain tout proches. Et pour que la brise emporte aussi au creux de ses ombres, un jour, un à un, les grains de sable blottis sous mes paupières.
Ton texte est magnifique, très personnel mais tellement plein d’échos que j’ai écrasé une petite larme, moi aussi.
Merci…
C’est vraiment très beau…
Merci, m’dame !
De grosses bises …
Des bises aussi, ma Petit’Ann !
Oh là là.
Comme tes mots sont beaux…
J’ai du retard de lecture et je reprends tout à l’envers, je m’en veux de ne pas avoir lu ce jour là, de ne pas avoir été là pour laisser un petit mot doux…
Des bisous et des sourires
Merci ! Des bisous aussi (les bisous, c’est toujours magique )