Le geyser de dix heures et demie

Un geyser de dix-huit mètres
Avec une horloge dans la tête
Ca n’existe pas, ça n’existe pas
Un geyser qui se réveille
Sans faute tous les matins
Ca n’existe pas, ça n’existe pas
Un geyser qui salue les touristes
A 10 heures 30 tapantes
Ca n’existe pas, ca n’existe pas
Eh ! et pourquoi pas !
Vous dira Wai-o-Tapu…

8 heures et quelques poussières, un samedi de décembre. Il fait doux, il fait beau et les trombes d’eau de la nuit dernière ne sont plus qu’un souvenir. « Maintenant qu’on a fait trempette dans la piscine d’eau thermale du camping (tout de même,  la Nouvelle-Zélande, c’est fantastique), il ne reste plus qu’à démonter la tente et hop ! on est repartis ! ». C’est que le Chercheur d’Oz est naïf optimiste de nature et qu’il ne se méfie jamais assez des toiles de tente…

Quelques longues minutes plus tard (et moyennant une flopée de jurons que la décence nous interdit de rapporter ici) (mais sachez tout de même que les ancêtres de ladite tente ont dû se retourner dans leur sac de transport) (LaGB a le juron imagé, c’est là son moindre défaut) (LeGB, lui, est d’une patience royale) (ce qui est fort agaçant, soit dit en passant), quelques longues minutes plus tard, donc, d’une bataille épiquet de tente épique tout court, la tente était enroulée façon nem, LaGB était échevelée, couverte de brins d’herbe et de feuilles mortes. LeGB, lui, se tenait les côtes de rire. D’autant plus sans doute qu’il ne lui avait fallu, le fourbe, que trois secondes et un dixième pour venir à bout d’une toile de tente finalement pas si récalcitrante que ça.

Quelques minutes plus tard encore (le temps de retrouver le road atlas qui, par l’un de ces grands mystères mystérieux qu’on ne s’explique pas, était allé trouver refuge dans le nem-toile-de-tente sus-cité), nous étions enfin partis direction Wai-o-Tapu, tout frétillants à l’idée de saluer Lady Knox, son geyser métronome. Et n’étions, pour une fois, même pas en retard… Etonnant, non ?

Encore quelques minutes plus tard, le temps de filer acheter des billets d’entrée, de trouver une place pour se garer et d’attraper qui son matériel photo, qui son matériel vidéo. Lady Knox, nous voilà ! Quelques arbres, un petit bout de sentier et voici la clairière, le geyser et… des gradins. Gradins qui se remplissent diantrement rapidement. Gradins un tantinet, hum, déconcertants quand on s’attend à débarquer au milieu de nulle part pour observer un phénomène naturel. Mais soit, va pour les gradins !

9 heures 45, 10 heures. Chacun s’installe, c’est la foule des grands jours. Ca crie en français, ça râle en français aussi, pas du tout discrètement. Ca fait peur aux oiseaux qui filent chanter plus loin. Et ça fait un peu grimacer LaGB-qui-joue-les-sauvages. Pour le coup, on reprend la bonne vieille habitude du « motus et bouche cousue, on est là incognito ».

10 heures 10. La pression monte. Dans la foule mais apparemment pas dans le geyser qui ne montre pas le moindre signe d’activité. Pourtant, le Lonely Planet était formel… Aurait-il trop fait la fête, ce geyser ?

10 heures 18. Un ranger saute la barrière qui sépare la foule dudit geyser et s’en approche, la bouche en cœur. Téméraire ? C’est que le geyser est à précisément douze minutes et vingt huit secondes de sa prochaine éruption. Tu crois qu’ils les remplacent tous les jours, leurs rangers, dis ? Non parce qu’un ranger cuit vapeur, ca ne doit plus marcher aussi bien…

10 heures 19. Les appareils photo commencent à crépiter, les râleurs râlent toujours parce-que-c’est-rudement-long-quand-même-on-n’a-pas-que-ça-à-faire-aujourd’hui-satané-geyser ! Le ranger-bientôt-cuit-à-point s’éclaircit la gorge, dégaine son micro et sort un petit sac de sa poche. Quelques explications historiques, une anecdote à base de convicts, de lessive en bord de creek, de savon qui glisse des mains, de tension de surface modifiée, de geyser qui érupte et…

10 heures 20. Echange de regards mi-consternés mi-incrédules. Non mais seriously, ils ne vont tout de même pas…

10 heures 20, 17 secondes. Ah ben si, ils vont. Ils ont, même… Lady Knox geyser ayant un rythme naturel bien trop anarchique (pensez donc, une éruption toutes les 24 à 36 heures, quelle paresse…), on le transforme en métronome d’un coup de savon en poudre, hop ! dans les dents. C’est qu’il faudrait voir à ne pas faire attendre les touristes, que diable !

10 heures 24. Et ça marche, effectivement. Le geyser commence à bloublouter de toute la force de ses petites bulles. Le ranger repasse prudemment du bon côté de la barrière (ah ben non, finalement, ils ne les changent pas tous les jours…).

10 heures 28. Ca ne bloubloute ni ne glougloute, ça commence à lancer des jets d’eau brûlante, d’abord timides puis de plus en plus conquérants. Les appareils photo déclenchent à tout va, chacun pose juste en face du geyser, en essayant d’éviter la brume de gouttelettes portées par le vent.

10 heures 31. Hop ! tout le monde s’en va, le pauvre geyser reste là tout seul à mousser dans son coin. Les oiseaux reviennent, eux, les gradins sont vides. Alors on en profite un peu, on observe le panache de vapeur qui s’élève haut dans le ciel. Et on se sent désolés pour ce pauvre geyser à la si bonne bouille, ce geyser qu’on prendrait presque pour une bête de cirque à le réveiller ainsi tous les matins sans lui demander son avis. Alors on le lui dit. Et on le voit sourire…

(la suite de notre balade à Wai-o-Tapu demain. Et cette fois, ni savon ni râleurs, juste de l’émerveillement)

2 thoughts on “Le geyser de dix heures et demie

    • lagrandeblonde Post author

      Aaaaaaaa aaaaaaaAAaaaaaaa aaaaaaaAAaaaaaaah < - ca marche rudement moins bien, quand meme :-D

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