One does not simply walk into Mordor…

(Nor into Tongariro National Park, apparently)
(Mount Ruapehu, North Island, New Zealand, 23-12-2012)

Nos gribouillages pré-départ avaient été formels, le Tongariro Alpine Crossing serait l’un des incontournables de nos aventures kiwilandaises. Les carnets s’étaient vus noircis de calculs savants d’itinéraires. C’est qu’il fallait essayer de ménager LaGB la chèvre et LeGB le chou, l’île du Nord et l’île du Sud, les envies de randonnée et les impératifs kilométriques… Tout avait été tracé presqu’au cordeau (faut tout de même pas pousser, on est organisés ou on ne l’est pas) (et le fait est qu’on ne l’est pas vraiment) (du tout, du tout pour être parfaitement exacte), quasiment à la demi-minute près. Et il avait été gravé dans le marbre de notre carnet de route que le 23 décembre, n’en déplaise aux Mayas, serait consacré au fameux Alpine Crossing. Six à huit heures de marche, du volcan, du cratère, des lacs aux couleurs aussi saugres que grenues, encore un peu de cratères, des scories, des paysages à couper le souffle, des dénivelés à couper les pattes et puis la fierté d’avoir fait l’une des plus belles randonnées qui soient, si l’on en croit Tonton Lonely Planet.

Oui, c’était sûr, certain, décidé pour de bon, incontournable et indéboulonnable. Enfin, c’était surtout sans compter sans une certaine nappe coréenne… Nappe semble t’il bien décidée à ne pas se faire oublier de si tôt. Et surtout pas après un trajet en avion, apparemment. C’est donc le cœur gros et la cheville pas moins enflée (dis donc, c’est pas fini de ricaner tout bas quand aux chevilles enflées de LaGB ?) que décision fut prise de ne pas se lancer dans la randonnée au long cours. C’est que rester coincés en plein milieu du Mordor pour une bête histoire de cheville, ça n’a rien de très héroïque… Et puis, après tout, c’est une excellente excuse pour retourner voir chez les Kiwis si nous y sommes, non ?

Alors, à défaut de crapahuter tel l’aventurier solitaire égaré dans la vallée infernale (pardon), décision fut prise, après les oh ! et les ah ! de rigueur lorsqu’on arrive en bord du massif, après les arrêts spécial panneaux bizarres et étranges, décision fut prise d’aller traîner nos guêtres au sommet du Mount Ruapehu. En remontée mécanique. Pas de quoi casser une patte folle à LaGB un canard (on passera pudiquement sous silence le vertige de la donzelle sus citée), la solution idéale (enfin, presqu’idéale, rapport au vertige qu’on n’évoquera pas).

Il y avait quelque chose d’intensément incroyable à survoler ainsi bien trop loin du sol d’anciennes coulées de lave, des scories toutes fines et puis des blocs vraiment pas petits du tout. Des blocs et des coulées qu’on pouvait presque surprendre en train de susurrer ce que chantonne toute éruption, ces petits chuintements doux et ces craquements intenses qui dévoilent les contes du centre de la Terre. Des blocs et des coulées qui sentaient presque la maison, la Réunion et sa Fournaise. Mais des blocs et des coulées, des scories et des falaises recouverts de neige… Et puis des cascades aussi, des cascades aux eaux froides, froides, froides comme on n’en trouverait certainement pas à la Fournaise, à la maison.

Une fois tout en haut, poser le pied à flanc de volcan, lever la tête et saluer de l’œil le géant qui ne dort pas vraiment. Et se sentir tout petit, comme une petite coquille de rien du tout perchée sur le dos d’un très, très gros tout. Se sentir comme emportés par ce drôle d’endroit austère et exubérant tout à la fois, hostile certainement mais littéralement fantastique à n’en pas douter.

Oui, il y avait décidément quelque chose d’intensément magique à fouler ainsi une neige blanche, si blanche sur ce sol craquant noir, oh si noir ! Ce sol ondoyant, scintillant, noir mais pas que, jaune doré par petites touches, un peu olivine peut-être aussi ? Et les collines dans le lointain, vertes, si vertes sur le ciel si bleu… Pas d’oiseaux, juste le chant des remontées mécaniques dans le lointain. Le rire éclatant d’une petite fille emportée par la course folle de sa luge. Oui, il y avait vraiment un brin de magie ce matin-là…

De quoi souhaiter prendre racine là, juste là, pour quelques heures ou pour toujours. Et presque de quoi remercier une certaine nappe coréenne. Parce qu’après tout, si on avait joué les aventuriers solitaires du Mordor, hey ! on n’aurait pas chatouillé du bout de l’orteil le Mount Ruapehu. Et ç’aurait été rudement dommage…

2 thoughts on “One does not simply walk into Mordor…

  1. Mathilde

    Les volcans sont fascinants…
    La première photo est à couper le souffle !
    Dommage pour la « vraie » randonnée, mais ça vous a laissé de superbes souvenirs malgré tout.

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    • lagrandeblonde Post author

      On etait tellement contents de retrouver un volcan… En attendant de retourner saluer « le notre ».
      Des chouettes souvenirs et une rando-pour-la-prochaine-fois-sans-faute ! Donc finalement, c’est parfait :-)

      Reply

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