Un problème de Thaï
(Attention, terrain scabreux…)
Un matin d’automne à la tea room (bô voui, encore. Que voulez-vous…). Il fait un peu frisquet, les tasses fument et les conversations vont bon train. A. a mal au dos, comme depuis pfiou ! au moins tout ça. Aujourd’hui, remarque, ça a l’air d’aller à peu près, il marche en crabe et non pas assis. Net progrès ! Il se sentirait presque pousser des ailes, pour le coup. Presque, il faudrait voir à ne pas pousser mémé dans les orties ni à envoyer une paire de vertèbres ad patres, hein. Donc il reste sagement posé sur un coin de sa chaise, la fesse circonspecte et la mine prudente. Mais ça, hey ! ça n’a jamais empêché personne de causer (et heureusement, vous dira LaGB qui pourrait concourir pour les Jeux Olympiques du bavardage si le besoin s’en faisait sentir).
D’humeur presque guillerette, donc, il participe à allonger la liste de traitements plus ou moins ésotériques qu’on propose pour lui remettre les disques en état de marche. Et il semble même avoir une idée assez précise de ce qui l’aiderait. Oui, c’est sûr, c’est certain, c’est indéniable, il lui faut un massage thaïlandais. C’est que le massage de colonne par une armée d’orteils tout à la fois agiles, décidés, légers et experts, ça doit vous requinquer l’échine en deux coups de cuillère à pot baguette en bambou. Oui, il s’y voit déjà et il en babille de bonheur anticipé.
Bien évidemment, les plaisanteries vont leur petit bonhomme de chemin. Le scientifique n’a, c’est un fait moult et moult fois vérifié, avéré, prouvé par A+B, pas toujours un humour très fin et son esprit a tendance à profiter d’un centre de gravité qu’on qualifiera pudiquement d’assez proche du sol (gros l’esprit de tous pays, unissez-vous). Forcément, A. a le sourire jusqu’aux oreilles et son mal de dos ne serait presque plus qu’un très lointain souvenir…
Las, c’est à ce moment précis que R. entre en scène. R ., c’est un peu une caricature à elle toute seule. Essayez un instant d’imaginer une momie multimillénaire courte sur pattes (tendance pruneau sec surcuit dans une cabine à UV) sans humour aucun, râlant pour tout, se plaignant pour rien, sans arrêt é-pui-sée, sans cesse ronchon et trouvant toujours à redire. Quitte à se contredire 36 fois dans la même journée (la momie courte sur pattes a, semble t’il, une certaine propension à souffrir d’une mémoire de trois secondes et douze centièmes. Mais uniquement quand ça l’arrange, hein ! Faudrait voir à ne pas la pousser -la momie- dans les bandelettes non plus). Summum de l’horreur, imaginez donc que ladite momie claque du bec (oui, elle aussi) (au secours, à moi, sky my husband, c’est une épidémie). Vous tremblez ? C’est fort compréhensible. Mais alors essayez donc d’imaginer votre momie en trois fois pire et huit fois plus grognon. Vous aurez alors une image relativement fidèle de R. Mais néanmoins édulcorée*. Scary, isn’t it?
R., donc, lève le nez de son sudoku, tourne leeeeeentement la tête vers le groupe qui ricane (bêtement) à côté d’elle, écoute quelques instants la conversation, entend qu’il s’agit de massage et de petit gabarit. Et lance donc tout de go un non moins lent « Oh ben je peux le faire, alors si tu veux, A. ». Les mots flottent dans l’air quelques instants, la tea room semble figée, même les mouches ont arrêté de voler. Un troupeau d’anges passe dans un sens. Puis repasse en faisant la chenille (et en lançant des cotillons) (mais toujours en silence). Le même troupeau a même le temps de se lancer dans une troisième traversée de la pièce en moonwalk avant que quiconque ne réagisse. Et puis soudain, ça y est, comme une vague, tout le monde pouffe, pleure sous cape et ou tente (difficilement) de camoufler un fou-rire en quinte de toux… Enfin, presque tout le monde. Pas tout à fait tout le monde : R. est retournée à son sudoku et ne s’aperçoit de rien.
A., lui, est blanc comme une craie affligée d’un teint d’endive. Brusquement, il a de nouveau très, très mal au dos et renonce plus que précipitamment à toute méthode alternative. Non, en fait, les cachets antidouleur, ça marche bien, hein, on va en rester là, ça ira bien, on ne sait jamais avec les médecines douces, faudrait voir à rester raisonnables, OK ! Mais merci de proposer, hein ! Mais enfin non, le kiné, au pire, d’accord, peut-être mais les massages à l’orteil agile, décidé, léger et expert, non vraiment, en fait, ça ne m’a jamais tenté et puis bon, hein ! on sait tous qu’il ne faut pas mélanger différentes techniques, non ?
La tea room qui était violette à force de rougir de rire contenu explose tout d’un coup. Ca se gondole de tous les côtés, ça rit à s’en fêler les cordes vocales et ça pleure, mais ça pleure ! Pauvre A tout perturbé ! Il risque d’en entendre parler longtemps, de ses problèmes de dos…
* vous pensez qu’on exagère ? Même pas ! Enfin, si peu…
Merveilleux ! Comme tu connais mon goût pour les animaux à plumes, j’avoue que ton troupeau d’anges m’a ravie. Surtout le lancer de cotillons.
Merci, Madame la GB, pour ce régal !
De rien!
Mort de rire les anges!
Je sais pas pourquoi, tes descriptions font mouche a chaque fois! Je voyais Linda Hunt faire un massage avec ses pieds a un accro du labo coincé et malalaise!
Top quoi!
L’image me plait beaucoup, beaucoup ! Il va falloir que je lui raconte, a A. Il va faire une rechute de mal de dos pour le coup, je crois !
Des bisous et des pensées tout plein tout plein pour tenir jusqu’à la couette ce soir
Merci!
J’aime beaucoup R !!
Moi aussi, j’avoue. Enfin, pas toujours mais tout de meme !