La (re)marche du siecle

(Millennium Cave, Espiritu Santo)
(source)

Le début de nos aventures à Millennium Cave, c’est par ici !

Un dessablage de chaussures, une dégustation de rillettes (après deux ans et demi sans voir le jour, forçat de l’amour les rillettes, forçat de la douane, c’était fête !), un peu d’anti moustique et une grande goulée d’eau, nous étions fin prêts pour nous mesurer aux éléments déchainés. Enfin, ça, c’est ce qu’on dit maintenant. Parce que si LeGB était encore et toujours follement impatient de crapahuter de rocher en cascade et de sautiller tel un cabri jouvenceau, LaGB, elle, numérotait ses abatis et envisageait très sérieusement de s’en remettre à Ste Rita. Parce que oui, la suite du programme tenait tout bonnement de la cause désespérée. Le petit air de crescendo sifflotait toujours gaillardement et la traversée de la grotte prenait soudain des allures de pipi de wombat (dilué).

L’abri douillet du banc de sable laissé derrière nous, les premiers vrais gros rochers massifs, denses, imposants, monumentaux [insérez ici tout autre synonyme qui dit le rocher de compétition, pas le petit galet de rien du tout, non, non, le gros rocher bourru et dru, façon falaise], les premiers rochers, donc, apparaissent bien vite. Et ils clignent du lichen, lancent des « youhou » mi-aguicheurs, mi-moqueurs (et complètement terrifiants). Il faut à LaGB toutes les (quelques) (vagues) (et lointaines) notions de relaxation possible pour éviter de partir en courant dans la jungle en agitant les bras et en s’arrachant les cheveux. Et pour le coup, perchée comme ça sur son premier caillou, à méditer tant bien que mal, avec son teint verdâtre, elle aurait presque des airs de Yoda (presque. Il manque encore quelques rides à l’appel). Un Yoda qui jouerait des castagnettes avec ses rotules.

Quelques pas peu rassurés, juste le temps de s’apercevoir que les gros rochers bourrus sont aussi rudement glissants… Brusquement, il n’y a plus de castagnettes qui tiennent, les genoux de LaGB sont en plomb mâtiné d’acier trempé (et l’acier, c’est peut-être fort, fort, fort mais c’est surtout et certainement pas très souple du tout, du tout). LeGB, lui, bien évidemment, gambade et esquisse des entrechats sur falaise du plus bel effet (le tout sans tutu). Le fourbe.

Sam est –presque- au bord du désespoir. Et est vraiment tout près du gouffre aussi, littéralement. C’est qu’il faut non seulement grimper sur des rochers savonnette mais il faut aussi en descendre pour se jeter courageusement dans les remous d’une rivière fort enthousiaste. Et remonter aussi sec bien vite sur un autre rocher tout aussi escarpé, moussu et glissant. Le tout en s’aidant d’échelles en troncs-très-étroits (encore elles) et de chaînes métalliques. Autant dire que les chorégraphies acrobatiques (et approximatives) s’enchainent allègrement. Pour le plus grand plaisir des notous qui s’étouffent presque de rire à observer l’espèce de grande asperge qui se retrouve les quatre fers en l’air plus souvent qu’à son tour.

La progression a tout du cheminement d’escargot en goguette, l’insouciance (et la bave) en moins. Sam se ronge les ongles de dépit jusqu’aux coudes (on se demande bien pourquoi…). Mais petit à petit, l’oiseau fait son nid, LaGB s’enhardit. C’est-à-dire que tout doucement, les pas de deux centimètres finissent par tendre vers le trois. Enfin… Presque. Le crescendo de difficultés, ce monstre décidément sans guinaire du tout, a semé quelques surprises sur le parcours. Quelques surprises des plus renversantes…

Sam, qui va bientôt se ronger les ongles jusqu’à l’omoplate, sort une corde de sa poche. Et non, ce n’est pas pour ficeler LaGB façon poulet, histoire d’avoir la paix (mauvaises langues, va !). C’est qu’on en arrive au « passage dangereux ». Fini la promenade de santé, cette fois, on entre dans le vif du sujet. Ah. C’est-à-dire qu’on n’était pas en plein dedans jusqu’à présent ? Ah. Bon. D’accord. LeGB, vous l’aurez deviné, ne se sent plus de joie… C’est que ca restait gentillet, tout de même, hein. Autant dire que l’équation corde + rocher escarpé + à-pic vertigineux + rapides en contrebas + passage fait de crochets métalliques épais comme des agrafes naines et anémiées (un comble, quand même, pour des agrafes) est plus que bienvenue. LaGB n’est plus verdâtre ni même blanche comme un linge, elle est vert mousse (ce qui ne lui va pas très bien au teint).

Et puis soudain, c’en est trop : il est finalement venu le temps des cathédrales râleries. C’est tout un tombereau de « plus jamais, tu m’entends, plus jamais ! », accompagné d’une farandole d’imprécations fleuries (que la décence nous empêche de mentionner ici), qui se déverse, peut-être encore plus dru que la pluie qui continue à tambouriner. Sauf que, hey ! à moins de vouloir rester coincé ici, en équilibre sur ce bout de rocher, pour quelques décennies à se nourrir de notous et d’eau fraîche, plus jamais ou pas, râleries ou pas, il va bien falloir avancer… C’est donc reparti pour une série d’acrobaties du plus bel effet, le trouillomètre à -40 et la grognerie au beau fixe.

On ne le dira jamais suffisamment, grogner, c’est bien. Parce que ça occupe, entre deux sauts de rocher et trois plongeons dans des rapides. D’eau froide, les rapides (en plus) (plaignez-moi, les gens, plaignez-moi) (parce que LeGB, cet affreux, était ravi de plonger tête la première dans une eau –presque- glacée). Et c’est donc finalement plus tôt que prévu (au grand soulagement de Sam qui n’a plus que ses omoplates pour pleurer) que les rochers finissent par laisser la place à une rivière apaisée.

 Il n’y a plus qu’à se laisser porter par le courant (et tout de même éviter quelques rochers) (les tibias de LaGB s’en souviennent encore). Il y a la rivière qui serpente tout tranquillement entre les gorges, des fougères arborescentes qui pointent le bout de leur nez en bord de falaise, des cascadettes de quelques gouttes qui tombent avec application, plic, plac, ploc, et plic encore. De toutes petites cascades sous lesquelles passer tête la première, de minuscules crevettes transparentes qui dansent le mia (chemise ouverte, chaine en or qui brille, évidemment) et des poissons-torpilles qui filent en bandes joueuses et goulues, juste sous nos doigts. Et une lumière, o cette lumière… Dorée, si douce, perlée, qui glisse en éventail le long des feuilles, s’étire en arcs-en-ciel et se dépose enfin en flocons à la surface de l’eau. C’est si beau qu’en un battement de cils, les acrobaties, l’angoisse si intense, le vertige carabiné et les ronchonneries olympiques ne sont plus qu’un très lointain souvenir.

Et puis, trop vite, il faut quitter la rivière, retrouver d’autres échelles de troncs-très-étroits pour se hisser en haut de la falaise. Mais, aussi surprenant que ca puisse paraitre, les échelles de troncs-très-étroits, ce n’est finalement pas si pire quand il s’agit de les monter et non plus de les descendre… Ne reste ensuite plus qu’à traverser quelques champs de taro, une cocoteraie pour voir apparaitre les premières cases. Les courbatures ne sont déjà plus très loin et il y a comme une tripotée de bleus qui s’annonce sur les mollets. Vous parlez d’aventuriers en carton…

Au village, les hommes sont réunis au nakamal, il y a des questions importantes à régler. En attendant, Sam propose de nous faire visiter le village. C’est passionnant de découvrir, au moins un tout petit peu, l’organisation de la vie, le partage des tâches, ce qui rythme le quotidien quand on vit ici, au village. Et puis, juste avant de repartir, le lap lap est prêt. Il a cuit longuement à l’étouffée, sous des pierres, enturbanné dans des feuilles de bananier. Aujourd’hui, c’est du lap lap de manioc. Et Sam nous propose de goûter, si ça nous dit. Et bien sûr que ça nous dit ! On se retrouve bien vite munis de parts énormes de lap lap encore fumant, ça brûle les doigts et le palais aussi. Et c’est bon, c’est rudement bon, ça sent le lait de coco, le manioc colle un peu aux dents. On finit bientôt assis dans le nakamal, avec les hommes et les enfants, qui grignotent aussi. Et qui semblent ravis qu’on soit visiblement en train de se régaler. ..

Il est cette fois l’heure de retourner au premier village, toujours sous la pluie. La route se fait longue, les muscles tirent et puis, le lap lap, c’est rudement bon mais ça cale aussi sacrément l’estomac… Encore quelques pas, nous y voilà ! Ne reste maintenant plus qu’à cahoter encore un peu avant de retrouver la maison. L’appel de la douche (et surtout celui de la couette) se fait pressant. Il n’y aura guère de difficulté à retrouver Morphée ce soir-là. A marcher le lendemain, en revanche…

Mais tout de même, quelle fierté !

9 thoughts on “La (re)marche du siecle

  1. Charlotte

    Ma pauvre, je compatis. J’aurais probablement fait comme toi, j’aurais aussi peut être chouiné ! Ca me rappelle un treck en Thailande où je me suis retrouvée au milieu de nuages d’araignées (qui faisait du bruit, avec toutes les pattes qui s’entrechoquaient). Et il fallait passer dedans pour avancer. Au bout d’un moment, j’ai perdu le contrôle : j’ai d’abord joué aux touristes scandalisés. Ensuite j’ai tapé du pied et je n’ai plus bougé. Et puis comme je n’avais pas le choix (pas d’hélico à l’horizon et une journée de marche pour repartir), j’ai fini par chouiner en tenant la main de Denis qui me guidait dans les araignées. Super souvenir. A part ça la bouffe et le village me donnent envie de réserver des billets pour le Vanuatu, là, tout de suite !! Soupirs.

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    • lagrandeblonde Post author

      Brrr, le nuage d’araignees… Je ne crains pas les araignees mais j’aurais fait pareil !
      En vrai, j’ai tenu fort, fort la main du LeGB qui a ete, comme toujours, super patient. Quel homme, tout de meme :-D
      Le Vanuatu, je pense qu’on y retournera, on a beaucoup aime et il nous reste tant a decouvrir ! Si jamais l’envie vous prend, j’ai des adresses sous le coude…

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  2. Ampelopse

    T as juste joue a Indianna Jane et le lotou maudit! Et t as reussi quoi! YOU DID IT!!!
    Comme ca tu sais que entre cannyonning et cocooning il y a une large difference!
    Mais j ai bien rigole tout de meme, pardon;) !

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    • lagrandeblonde Post author

      J’etais ravie qu’on ne soit que tous les trois, j’aurais deteste etre dans un groupe plus grand et jouer les tetanises de service… Ca a fait une sacree difference !

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