Deep into the mountain sound

(Milford Sound, South Island, New Zealand, 29-12-2012)

Te Anau au petit matin tout juste éclos. La tente ruisselle de rosée, il fait frais, frais, frais. Les voisins de pelouse dorment encore, il faudrait voir à ne pas faire trop de bruit. Enfin… En théorie. Parce qu’en pratique, entre les portières qui claquent de leur propre gré, les pieds qui s’entroupent dans les piquets de tente qui se sont déplacés pendant la nuit (forcément) et les jurons en chapelet qui en découlent, le départ tient plus de la fanfare que d’autre chose. Mais, finalement, la tente Hortense, Thèse et le reste finissent par réintégrer notre fringant destrier et hop ! nous voilà partis, sous un ciel tout gris, les nuages en bandoulière et le vent (mais pas, étonnamment, la moitié du camping) à nos trousses.

Pour une fois, il faut se faire violence et refuser de s’arrêter tous les trente mètres pour des oh ! des ah ! des waouh ! et des photos. C’est qu’on a rendez-vous avec Milford Sound et qu’il ne s’agit pas d’être en retard. Le bateau n’attendra pas, foi d’office du tourisme… M’enfin, on peut tout de même admirer les paysages, hein, pas la peine non plus de dépasser les bornes des limites du poussage de mémé dans les orties. Un arrêt tous les quarante cinq mètres, ça parait raisonnable. Et puis d’ailleurs, comment résister aux quelques rayons de soleil qui s’étirent, timides, sur les rives du lac Te Anau ? Comment faire fi de la beauté des premières plaines qui filent jusqu’à l’horizon, bordées de sommets saupoudrés de neige, qu’on dirait faits tout exprès pour quelque aventure semée de monstres, de preux chevaliers et de magie ? Comment délaisser, d’un mouvement d’épaules blasé, Mirror Lake et ses véritables jungles de lupins bleus, mauves, roses, blancs et puis aussi violets dans lesquelles jouer à cache-cache ? Hum, comment ? Sans même parler des cascades qui rebondissent à flanc de falaise, toutes emmitouflées de bruine épaisse et têtues. Ni même mentionner le kéa garagiste qui tente de démonter un pare-brise à la seule force de son bec (ils sont décidément rudement forts, ces kéas !).

C’est donc pas franchement en avance mais fichtrement ravis que nous finissons par rejoindre Milford Sound, son parking, son café, son embarcadère et ses légendaires habitants, les fort justement redoutées sand flies. Imaginez quelques instants de toutes petites mouches, façon drosophile à yeux noirs. Imaginez de véritables troupeaux desdites mini mouches, volant en essaims compacts et fort versés dans l’art de la frappe chirurgicale. Imaginez enfin que chacune desdites mouchettes soit dotée d’un redoutable appétit pour le sang humain. Et d’une ingéniosité féroce lorsqu’il s’agit de s’organiser un casse-croûte improvisé mais fort copieux sur touriste en goguette. Imaginez donc un peu tout ceci et vous pourrez entendre sans souci les claques que tout un chacun s’assène furieusement pour tenter (vainement) de se débarrasser de ces petits monstres aussi goulus qu’hexapattus. Petits monstres qui, enfer, malheur, purée de chou-fleur, ont très vite montré un engouement certain pour le sang de LaGB. De quoi ravir LeGB qui, lui, s’en est donc tiré sans la moindre piqure (plaignez-moi, les gens, plaignez-moi). La vie n’est qu’injustice…

Quelques grandes enjambées et moult claques plus tard, donc, hop ! nous voilà à bord du Milford Pride. Bien vite, les sand flies rebroussent chemin (c’est que la sand fly est douillette et frileuse, elle n’aime guère l’eau froide) et l’on peut de nouveau se consacrer au paysage… Et ça tombe bien : à Milford Sound, il y a de quoi perdre deux ou trois mâchoires d’ébahissement.

Il y a des falaises étourdissantes, des pics immenses, les pieds fermement plantés au fond des eaux noires, des cascades qui tambourinent, le vent qui claque, souffle, tempête. Des phoques qui somnolent sur un coin de rocher, la patte indolente et l’œil tout embrumé. Un petit garçon qui court sur le pont et un couple qui joue les amoureux de bout de proue. Du café très sucré pour se réchauffer et des fougères qui se regardent pousser dans le reflet des vagues. Des nuages qui s’enroulent, s’attachent et se pendent aux sommets perdus tout là-haut. Comme un tout petit bout d’île et un arbre aussi entêté que follement tarabiscoté qui s’y ancre depuis oh ! au moins tout ça. L’horizon qui se perd au loin et le capitaine qui raconte que, parfois, quand le temps est très, très, très beau, on peut presque croire qu’on aperçoit nos voisins les Aussies. Des baleines et des dauphins qu’on guette en vain. Même si on croit en voir, oh ! tant et peut-être un peu plus. Encore des cascades qui ruissellent en rideaux légers, légers et puis toujours ces falaises qui font se tordre le cou pour en voir le bout, ces falaises qui montent tout droit, haut, haut, si haut, si vite qu’on n’y croirait presque pas.

Et c’est tellement beau, si incroyablement majestueux qu’on en oublie jusqu’aux gratouillis des piqures de sand flies. Qui reviennent à la charge dès qu’on rejoint la terre ferme, ravies et follement enthousiastes. Et en bataillons entiers, évidemment. Bataillons qu’il faudra combattre pied à pied jusqu’à l’intérieur de notre fringant destrier… Damn you, sand flies! Mais bah ! peut importe les bestioles croqueuses de sang, pourvu qu’on ait les fjords !

9 thoughts on “Deep into the mountain sound

    • lagrandeblonde Post author

      On n’a qu’une hate, c’est d’y retourner… Surtout maintenant qu’on a acquis une certaine experience en tartinage d’anti-mouches :-)

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  1. DOMINIQUE

    Un jour, bien vieille au coin du feu, quand tu auras la nostalgie de ta jeunesse, viens faire un tour en Camargue : les essaims de petits moustiques ravageurs à la piqûre brûlante te rappelleront ces merveilleux endroits.
    Paysages époustouflants. Lupins et iris sauvages ?

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    • lagrandeblonde Post author

      Lupins, de vrais champs de lupins immenses, dans lesquels on pouvait jouer a cache-cache.
      Ah non, pas les moustiques ! ;-)

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    • lagrandeblonde Post author

      De rien ! Avec plaisir, meme !
      On continue les aventures kiwiesques la semaine prochaine, promis !

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Répondre à aline (Les Chou-Trotteurs) Annuler la réponse.

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