Si tu m’crois pas, tar’ ta gueule à la récré !
Chaque soir, au moment de délaisser le canapé au profit de l’oreiller, il me faut me faufiler sur la terrasse et m’asseoir quelques minutes, les genoux enserrés dans les bras, à humer l’air si léger de la nuit encore toute jeune. Assise là dans un silence à peine troublé par le chant des grillons, à observer les étoiles, j’ai à nouveau six ans.
J’ai six ans et je crois dur comme fer que la Croix du Sud attend chaque soir avec impatience que je lui souhaite la bonne nuit par la fenêtre de la cuisine avant d’aller dormir.
J’ai six ans et il n’y a rien de plus délicieux que de chaparder puis croquer les trois malheureuses carottes rachitiques que monsieur M. s’obstine à vouloir cultiver dans son petit bout de potager en bas de la maison.
J’ai six ans et j’apprends que les niaoulis ont sept épaisseurs d’écorce qui les protègent du feu mais aussi qu’ils fabriquent de l’essence, j’en reste comme deux ronds de flan.
J’ai six ans et on essaie d’élever des escargots à la maison, ça ne sent pas très bon.
J’ai six ans et sur le chemin de l’école, avec ma grande sœur, on guette les goyaves mûres. Moi je n’aime pas trop ça, à part en confiture, mais elle en raffole.
J’ai six ans et on part pour un grand voyage dans la très grande île d’à côté pour voir des kangourous, des koalas et manger sans le vouloir des mouches en plein désert.
J’ai six ans et quelques poussières d’années en plus, je ne crois plus qu’on peut faire disparaître les nuages d’un grand coup d’aspirateur mais je sais que la Croix du Sud m’attend avec impatience tous les soirs.
Je n’ai plus six ans mais la petite fille que j’étais alors n’a de cesse de m’accompagner depuis notre arrivée down under. Il suffit de presque rien peut-être dix (vingt) années de moins pour réveiller des souvenirs que je croyais évanouis. L’odeur des eucalyptus se réchauffant au petit matin sous les premiers rayons de soleil a le goût à la fois piquant et doux de l’aventure, le même qui m’emplissait d’une joyeuse impatience teintée d’une pointe d’appréhension lorsque nous partions camper en pleine nature.
Je n’ai plus six ans mais pas un jour ne se passe sans que la curiosité et l’émerveillement qui étaient miens petite ne pointent le bout de leur nez, asticotés par l’incroyable richesse des découvertes qui s’offrent à nos yeux éberlués.
Je n’ai plus six ans mais je continue à croire qu’il y a parfois de la magie dans les hasards que la vie nous réserve. Et que le bonheur se cache dans des tout petits riens aussi essentiels qu’un clin d’œil à la Croix du Sud avant d’aller dormir.
Que tu aies six ans ou bien plus, on t’embrasse tous bien fort!!!!