
Vent du dos dans la plaine
(Ou « Wind of back in the land », si on veut (mal) causer la langue au chat qu’expire)
Le constant est difficile mais malheureusement incontournable : le sable blanc, l’eau transparente, les plages sans âme qui vive à un jet de claquettes, les rochers délicatement érodés, ça peut vite devenir lassant… Avouons-le tout net, le Pacifique, c’est tout de même très surfait. Et puis, les méduses à l’affût, les requins affamés, les coquillages tueurs et les noix de coco sadiques, ça a de quoi vous refroidir fissa…
Aussi, un beau matin de janvier, Kroket-la-vaillante fut sommée de bifurquer vers l’ouest. Point d’embruns ni de sable, encore moins de sel, aucun risque de rhume de roulements. Non, nous partions fiers et conquérants, en direction du nord de Kosciusko NP, respirer l’air pur des montagnes et faire le plein de poussière sur les petites pistes cahoteuses.
Il faisait doux, il faisait frais près des sommets. Les torrents de montagne glougloutaient, se glissaient, glacés, au milieu des graminées dont les épis lourds de graines ne frémissaient même plus sous la brise. La route était déserte, un aigle trônait fièrement au-delà des nuages, seul maître à bord, régnant sans partage sur son troupeau de rongeurs et de reptiles invisibles à des yeux moins exercés que les siens. Les virages et les kilomètres s’accumulaient et le silence n’était troublé que par quelques grésillements de grillons. Les villages indiqués sur l’atlas ? Une, deux, peut-être même trois petites cahutes de bois et de pierres sèches posées au petit bonheur la chance, lovées au liseré des forêts d’eucalyptus.
Une soudaine bifurcation à gauche, quelques kilomètres de cahots à flanc de montagne, avalés en quelques toussotements de moteur et nous arrivions au pied des grottes adolescentes de Yarrangobilly. Adolescentes ? Nées d’un caprice tellurique, cent mille petites années tout rond au compteur et une irrépressible inclinaison pour le bavardage, elles se répandent jour et nuit en incessants murmures de gouttelettes, tambourinent souplement sur les stalagmites et gloussent de joie de bassins en corniches. Une certaine envie de compagnie les a poussées il y a un petit siècle à peine à faire leur entrée dans le grand monde, dévoilant tout d’abord leurs délicates sculptures géologiques aux yeux ravis des aventuriers téméraires, avant de laisser le commun des mortels admirer leurs plus beaux atours.
Une petite marche en bord de rivière, les yeux tout éblouis encore embrumés de grotte et la piscine thermale nous attrapait les orteils pour un petit bain des plus réparateurs. Des algues, quelques têtards curieux frétillant autour de nos pieds et grignotant quelques larves de moustiques. Thèse prenait son premier cours de natation et ne semblait guère goûter cette nouvelle expérience. Un jeune water dragon nous observait du coin de l’œil, dansant d’une patte sur l’autre, ne sachant qui du cœur (l’eau à 27°C) ou de la raison (les humains assis tout près) l’emporteraient. A notre départ, il hésitait toujours, changeant de couleur au gré de ses tergiversations, du gris rocher je-n’irai-pas au vert prairie soyons-fou-j’y-cours.
Un essaim de gang gang cockatoos aussi bavards qu’affamés, un jeune kangourou curieux et deux lyrebirds plus tard, nous retrouvions Kroket et le chemin du retour, non sans nous promettre que Yarrangobilly, ses grottes et sa piscine naturelle nous verraient à nouveau l’hiver venu. Les maillots de bain seraient alors de rigueur pour le simple plaisir de plonger la tête la première dans une eau fumante et délicieusement chaude, au beau milieu de la neige et des eucalyptus. De quoi nous donner (presque) hâte de voir l’été se terminer…