Le Yankee, le chapeau et les kangourous

Un samedi matin de mars, tout au sud de l’ACT. Petit vent frais et soleil discret, emmitouflé de nuages. La route virevolte entre les eucalyptus de Namadgi NP. Entre deux virages, une petite pancarte envahie de mauvaises herbes, une bifurcation et une piste piquetée d’ornières. Un puis deux, puis une dizaine de kangourous surgissent de la forêt, traversant au ras des phares, l’air nonchalant et le brin d’herbe fiché entre les dents. Nombre de leurs congénères, plongés jusqu’au cou dans les graminées, toisent d’un œil indifférent la petite voiture cahotant au beau milieu des cailloux, de la poussière et des ruisseaux. Le parking atteint, les collines semées de chardons, d’herbe grasse et de kangourous s’offrent à perte de vue, interrompus ça et là par quelques ponctuations boisées. Le sentier se faufile entre d’immenses familles de marsupiaux, longeant boulders esseulés, pissenlits monumentaux et petits îlots d’eucalyptus frissonnant sous la brise. Un petit pont, quelques marécages, un brown snake somnolant et la forêt reprend ses droits. Quelques pas encore, rythmés par le chant des peewees, et les peintures d’ocre et de craie de Yankee Hat Rock se dévoilent, fragiles silhouettes longilignes confiées il y a plus de 800 ans à une paroi rugueuse et protectrice.

Quelques mûres grappillées d’une main gourmande et dévorées en compagnie d’une petite grimace d’acidité inattendue, quelques mouches chassées d’un petit air grognon et la prairie, réchauffée par un soleil à nouveau conquérant, remplace le sous-bois. Un second brown snake émerge à nos pieds de sa torpeur ensoleillée et glisse souplement vers de plus calmes horizons, un couple de masked lapwings menace de son cri strident le plus inoffensif des moucherons passant à proximité de son nid. Les kangourous s’agitent (certains dansent même la macarena, si, si, regardez-bien !), les magpies et les king parrots se déploient en nuées défensives : un dingo rode tout près, à l’affût de la moindre faiblesse. Les adultes guettent, suricates masurpiaux alignés en rempart protégeant farouchement les plus jeunes. Le danger s’éloigne ? Chacun reprend l’activité interrompue : d’aucuns se grattent la panse avec une application béate, d’autres cueillent délicatement quelques pompons de chardon ou somnolent à l’ombre d’un eucalyptus. Certains, enfin, tiennent imperturbablement conférence au milieu de la piste qui conduit tout doucement à la route et à la civilisation.

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