(Old Parliament House Gardens, Canberra, ACT, 14-03-11)

Il avait fallu se lever tôt, beaucoup trop tôt pour un jour férié frisquet et nuageux. Le chocolat chaud avait été bien vite avalé, qui en tasse, qui en biberon et la route avait bercé et façonné des têtes girouettes au gré de ses virages. Les yeux des plus petits, encore tout imprégnés de rêves se frottaient à des épaules douillettes, un bras confortablement passé autour d’un cou rassurant. Les petites mains s’accrochaient à un nounours ou un doudou, les tétines chutaient, semées par des petites bouches parties bien vite retrouver la douceur des songes. Les plus grands trottaient tout contre leurs parents, un peu inquiets de ces soufflements et ces flammes soudaines. Y avait-il donc des dragons invités pour Canberra Day ? Certains, plus téméraires, s’approchaient des ballons encore tout aplatis mais reculaient bien vite au moindre emportement des souffleurs, retrouvant avec soulagement l’abri protecteur des genoux paternels.

Les montgolfières s’agitaient, les nacelles sautillaient, les cordes se nouaient et se dénouaient. Les nuages s’entrecroisaient, passaient, s’éloignaient et retrouvaient les jardins d’Old Parliament House. Le vent ne parvenait pas à décider quelle direction serait la sienne pour les heures à venir, soufflant quelques instants par là, bifurquant soudainement par ici, toussotant ensuite encore un peu là-bas, clouant les ballons au sol par ses jeux malicieux. Les colères des brûleurs retombées, les petits pieds s’agitaient, cette fois pressés de fouler l’herbe glissante de rosée pour enfin s’approcher des grosses bêtes au souffle apaisé. La sieste délaissée, le nounours fermement collé sous un bras pour mieux se rassurer, les yeux écarquillés, ils grignotaient peu à peu l’espace les séparant de la nacelle. Un petit regard interrogateur vers le rempart parental, un brin de courage supplémentaire glané en attrapant au vol la main du plus grand et ils étaient enfin arrivés devant la jolie cage d’osier et son immense capuchon.

Les ballons ne décolleraient pas ce matin, ils resteraient fermement arrimés, trépignant et claquant des cordes sur les pelouses du Parlement, tout en face du lac couvert de brume. Mais les voyages, bien qu’immobiles, seraient nombreux : les nacelles accueillaient à tour de bras des petits yeux ronds comme des soucoupes, surmontant des sourires pleins de bravoure vacillante. Les nounours et les doudous confiés aux parents, les bruleurs grognaient à nouveau, emportant avec eux, quelques mètres au-dessus des brins d’herbe, des petites mains tremblantes agrippées aux cordages. Les grondements calmés, la surprise effacée, seul restait, soudain, le bonheur de flotter, ainsi suspendus tout près des ibis perchés dans les arbres, tout près des brumes qui masquaient le soleil. La nacelle devenue tapis volant, vaisseau spatial, maison flottante, de grandes aventures pleines de nuages magiques et de dragons enrhumés se déroulaient dans l’espace défini par les brins d’osier tressé.

Revenus sur la terre ferme, la magie l’avait emporté sur l’inquiétude dans les yeux encore tout ensommeillés. La nacelle repartait déjà, chargée de nouvelles promesses d’aventures trépidantes. Des petites voix encore tout éblouies expliquaient doctement à des doudous très attentifs, les merveilles et les embûches rencontrées là-haut. Les nounours hochaient la tête et se prenaient à rêver, eux aussi, à toutes ces aventures qui ne tenaient qu’à quelques fifrelins d’air chaud.

Demain, les ballons voleraient peut-être à nouveau, si le vent devenait plus sage. Le kookaburra pourrait alors poursuivre la fraise géante du Mount Ainslie à Black Mountain. Mais rien ne vaudrait jamais la fantastique aventure vécue le cœur battant par quelques explorateurs miniatures le temps d’un petit hoquet de montgolfière.