Et là qui voilà ?

(Inspecteur Gadget Hooker
Et là ça va pas ouh ouh !)

Horreur, malheur, haricot beurre LJ Hooker! Hier, avait lieu notre première inspection d’appartement, étape cruciale dans la vie de tout locataire australien, rite de passage incontournable et atrocement stressant. Tellement angoissant, pour tout vous dire, qu’il vous conduit jusqu’à des extrémités effrayantes : vous en venez carrément à briquer furieusement le moindre petit bout de carrelage et à aligner militairement vos livres de chevet (quelle hérésie !).  Chaque étape de la location down under est, à bien y réfléchir, une véritable épreuve d’endurance, un vraimentbeaucouptropthlon, nécessitant volonté de fer, moral d’acier et références en béton armé.

Première épreuve, la longue litanie des annonces. L’entraînement aiguise rapidement l’œil lors de la recherche sur les différents sites dédiés. L’aspirant locataire apprend extrêmement vite de ses déconvenues premières et assimile sans mal le goût immodéré et la compétence certaine des agences immobilières pour les photos prises au grand angle et les retouches Photoshop. La sélection se fait donc rapidement drastique, voire même sans pitié.

Seconde épreuve, le marathon des visites. Marathon, oui, oui ! Le mot est même trop faible pour décrire la course hors d’haleine qui sera la vôtre si vous cherchez à vous loger à Canberra et que vous n’avez pas de Kroket sous la main. Les visites (il n’y en a qu’une par logement, annoncée la veille) durent quinze minutes montre en main, pas une seconde de plus. L’agent est en retard ? Hé bien, la visite durera dix minutes ou huit, ou quatre. Vous êtes en retard ? Tant pis, vous n’aurez pas l’occasion de récupérer un dossier. Aussi, chaque soir, jusqu’à tard dans la nuit, il faut planifier à la seconde près les itinéraires, les temps de trajet, les raccourcis éventuels, arbitrer les choix de visites, se transformer en général prévoyant les mouvements éventuels de l’ennemi (les bouchons et les travaux). Avant de filer dormir, ne pas oublier de sacrifier quelques coqs noirs pour que les adresses soient exactes, qu’il n’y ait pas trop d’autres prétendants et que le grand Cric croque les agents en retard.

Vous êtes arrivés à l’heure au rendez-vous, échevelés, suants mais vous êtes là. D’autres sont là également, la tension monte, les regards en coin s’échangent, assassins. « Damned ! pensez-vous, on aurait dû leur crever les pneus quand on les a croisés tout a l’heure ! » en saluant d’un petit sourire crispé le couple qui vous poursuit depuis trois visites. L’agent arrive, l’air devient électrique. Les portes s’ouvrent, les postulants se précipitent, se poussent, s’écrasent et s’égaillent dans les différentes pièces. Tout est soupesé, jaugé, scruté, analysé. Parfois, le fou-rire l’emporte : malgré le soin maniaque apporté à la sélection des annonces, certaines visites tournent à la farce. Entre les miroirs placés sur le côté du lavabo, assurant un rasage/maquillage des plus réussis, les cuisinières abritant des dynasties entières de cafards et les toilettes décapiteurs de genoux (deux portes, dont une située dans l’entrée de la maison, s’ouvrant sur l’intérieur, une largeur tout juste suffisante pour une paire de genoux, dérotulation assurée trois fois par jour minimum), les surprises sont nombreuses…

Une ou deux habitations potentiellement sympathiques repérées, il vous faut affronter l’épreuve terrifiante du dossier. Patte blanche et portefeuille garni il faudra montrer, lettres dithyrambiques de référents fournir, un total minimum de cent points atteindre (suite à un nébuleux calcul basé sur les factures et pièces d’identité présentées, votre signe du zodiaque et la position de la lune au moment de remplir ledit dossier) et aux critères « no cat, no dog, no kid, no smoking » correspondre parfaitement. Rassembler les pièces en un temps record devient une seconde nature, remplir les cases les yeux fermés, un réflexe. Tout doit être fait pour que votre dossier soit le premier déposé, quitte à tendre des embûches aux autres concurrents (sucre dans le réservoir, red back dans le sac à main, etc.) (chercher un logement rend très inventif). Après délibération du jury, votre candidature sera retenue (ou non). Afin de faire pencher la balance en votre faveur, vous êtes (discrètement) (mais cordialement) encouragés à proposer un loyer supérieur au prix annoncé.

Votre dossier a été retenu ? Félicitations, vous allez pouvoir cette fois découvrir les fuites, les fissures, les infestations, les inondations, les problèmes de condensation et autres surprises de votre nouveau chez vous. Chez vous… ou presque : vous voulez accrocher un tableau au mur ? Demande écrite à l’agence de rigueur avant toute sortie du marteau, réponse positive non garantie. Installer des étagères ? Vous n’y pensez pas ! Pas de traces, pas de modifications, non, non, non !

Au bout de six mois environ, donc, dernière épreuve (et pas des moindres) : inspection ! Gant blanc et œil de lynx, l’inspecteur débarque, scrute, ouvre, renifle et farfouille. Il mesure, jauge, apprécie l’état du logement, passe un index inquisiteur sur les plinthes ou le dessus de la hotte aspirante, critique le rangement des placards, inspecte la lingerie et les produits de soin. Enfin, en théorie ! En pratique ? Il suffit qu’il y ait eu blood at first sight entre un pied de LeGB et le rail de la porte du garage un soir d’inondation pour que le dragon immobilier se transforme en adorable interlocuteur notant scrupuleusement la moindre doléance d’une LaGB remontée comme un coucou… Merci, le portail et la pompe en panne !

NDLaGB : la photo ? Une des fresques monumentales en Lego présentées à l’aquarium de Sydney. Achab et Moby Dick s’imposaient, vu les relations… complexes entre agences immobilières et locataires.

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