(Lac Burley Griffin, Canberra, ACT, 19-03-11)

Plop ! Plop ! Plop ! Les ballons bourgeonnent dans le petit matin frileux et s’élancent, colorés et pétillants, à l’assaut de la brume, faisant fi de la bruine têtue. Si le ciel n’a pas daigné, la semaine durant, se défaire de son manteau de nuages grognons, le vent s’est fait murmure à peine audible. Il est donc temps de faire parler les brûleurs et d’aérer les nacelles. Les toiles sont impatientes de se déployer enfin, les cordes crissent de joie. L’une après l’autre, enfin libérées de la lourde pesanteur, les montgolfières s’égaillent au-dessus des jardins d’Old Parliament House et s’aventurent sur les bords du lac avant de se jeter à l’assaut de Black Mountain, en une longue file dodelinante, semis de graines géantes délicatement parsemées le long du ciel, flottant paresseusement au gré des courants.

L’air frissonne encore de la nuit tout juste enfuie, les canards se trémoussent, frigorifiés et englués de sommeil. Le silence n’est troublé que par quelques kayakistes tombés du lit, dont les rames glissent souplement à la surface du lac. Le carillon dort encore, il sonnera timidement d’ici une vingtaine de minutes, pour annoncer le début d’une autre journée d’automne. Le chant des brûleurs s’émousse bien au-delà des nuages, petit chuchotis  doucement déposé au creux de l’oreille. Le lac se fait miroir, la brise retient son souffle et compte les reflets frémissants, silhouettes arrondies délicatement froissés. Là-haut, les montgolfières s’estompent, se perdent, fantomatiques, dans les écharpes cotonneuses qui enveloppent la Telstra Tower. Bientôt, seules les flammes élancées des brûleurs se devinent, petites pépites orangées éclatant dans la brume.

Les ballons ont de nouveau fleuri le ciel de Canberra en une immense et éphémère grappe joyeusement chamarrée. Les arbres s’ébrouent, le soleil part à l’assaut des nuages, les premiers vols de cacatoès bavards tirent les uns et les autres hors des bras de Morphée. La journée peut commencer, l’automne peut prendre ses quartiers et l’hiver songer à pointer le bout de son nez glacé. Les ballons ont fleuri le ciel de Canberra, ils reviendront. L’été aussi.