And soon I’ll hear old winter’s song

Plonger à pleines semelles dans les rivières de feuilles craquant le long des trottoirs. Sortir un pied, puis l’autre, jouer les flamants roses automnaux, quelque peu mâtinés d’éléphant. Viser soigneusement du bout des orteils les petites feuilles croustillantes voletant en solitaire au-delà des couronnes branchues. Puis danser une gigue endiablée, sauter à pieds joints de monticule en petit tas. Enfouir ses chaussures jusqu’à ne plus avoir de chevilles. Projeter une pluie de feuilles multicolores pour retrouver ses orteils disparus. Et éclater de rire en tentant d’attraper chacun des confettis géants s’échappant à dos de brise. Savoir reconnaître au simple bruit une feuille de liquidambar, de chêne, d’arbre de Judée ou d’érable. Préférer de loin les feuilles d’érable, s’égaillant sur une palette de rouges impatients, d’oranges flamboyants, de jaunes éclatants mais aussi de roses tendres, de mauves délicats et de pourpres légers. Se croire parfois déposé par une facétieuse magie géographique aux abords du St Laurent. Saluer chaque matin de petits cris ravis les nouvelles parures fabriquées de pâles rayons de soleil, de froid nocturne piquant et de jours qui raccourcissent.

Glaner au hasard de ses promenades quelques feuilles un peu plus merveilleuses encore que les autres, les déposer en fabuleux bouquet sur un coin de table. Et être tenté de renouer avec d’anciennes habitudes automnales, endormies dans un petit recoin de mémoire depuis plus de vingt ans. S’imaginer tracer soigneusement les contours d’une feuille élue la plus belle du jour sur un beau morceau de papier à dessin. Souligner d’un trait léger la moindre courbe et tirer la langue de concentration. Etaler les crayons de couleur sur la table et doucement, patiemment, revêtir sa feuille d’automne et de papier de ses nouvelles couleurs. Accorder un soin tout particulier à ne pas dépasser les contours si jolis. Dessiner les arabesques flamboyantes et les chassés-croisés de vaisseaux s’empourprant sous le givre. Ne pas oublier les quelques minuscules points de chlorophylle résistant encore un peu à la dictature du froid. Déposer, enfin, quelques rares traces du passage des chenilles cherchant un petit coin douillet où rêver l’hiver durant. Décider que sa feuille ne saurait être plus belle. Passer un petit morceau de mouchoir sur la moindre parcelle de couleur « parce que ça adoucit les contours ». Faire crisser les pieds de sa chaise en la reculant à toute allure. Sauter à pieds joints, prendre dans sa main son dessin comme on cueillerait un oiseau tombé du nid. Courir de toute la force de ses petites jambes, s’arrêter brusquement tout contre deux jambes bien plus grandes. Tendre son œuvre un peu chiffonnée avec un grand sourire ravi tout fondu de fierté. Murmurer « Bonne fête, Maman !* » en se serrant fort contre celle avec qui on partage cet amour immodéré des feuilles d’automne.

*C’est demain, en Australie. Happy Mother’s Day !

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