Les grands espaces, le sel et la baleine

(Jervis Bay, NSW, 22-05-2011)

Début janvier, installés sur un rebord de falaise battu de vent et de soleil, nous avions donné rendez-vous aux baleines qui viendraient, à n’en pas douter, quand le froid aurait repris ses droits. L’été réclamait toute notre attention, nous promenant de criques murmurantes en promontoires escarpés, clamant fermement que l’hiver et ses migrations sauraient bien attendre. Quelques mois trop vite passés, des feuilles craquelées en épais tapis, un peu de givre saupoudré de-ci, de-là et un air glacé, piquant, cristallin, tenant les petits matins sous sa coupe ? L’été avait capitulé, les baleines nous attendaient, Huskisson et ses bateaux s’imposaient.

Le petit matin tout juste éclos nous avait cueillis au bord de la plage encore brumeuse de sommeil, savourant l’air si doux de l’océan, bien loin de nos glaciales contrées. Un kookaburra curieux, quelques lorikeets facétieux, une pluie de photos, un dauphin gourmand guettant les pêcheurs à quelques mètres du rivage, un petit-déjeuner en terrasse qui confine au parfait et le bateau nous appelait déjà. Quelques minutes d’attente en bord de quai et déjà, l’appréhension d’une foule trop dense s’éteignait, laissant toute sa place à l’attente un peu fébrile d’une rencontre forcément magique.

Quelques grondements de moteur plus tard, Huskisson s’estompait et les courbes de la baie s’esquissaient enfin, en une merveilleuse carte aux trésors à ciel ouvert, toute entière festonnée de sable blanc, d’eucalyptus dodelinant de la feuille et de plumes de nuages. Bien vite, cependant, quelques dauphins en chasse et un phoque les orteils en éventail raflaient toute l’attention du bateau. A quelques pas de là, presque au pied de Point Perpendicular, une baleine paressait dans les vagues, jouant nonchalamment des fanons et nous gratifiant de quelques panaches désabusés. Bien vite, Bowen Island nous frôlait, ouvrant la baie à l’océan. Les côtes griffées de vagues, de bourrasques et de tempêtes tenaient leur revanche, dauphins et baleines s’en étaient allés. Point de panache à l’horizon mais une infinie succession de grottes, de plateformes striées de sel et de rochers ponctués de petites pousses entêtées. Quelques bateaux ancrés en contrebas des falaises se prenaient à rêver de grandes découvertes, de corsaires, de pirates et de trésors oubliés. Il suffisait de bien peu pour s’oublier le temps de quelques songes éveillés, explorateurs transportés tout au bord des escarpements, étourdis d’un somptueux vertige fait d’océan et d’à-pics.

Déjà le bateau faisait demi-tour, dispersant rêveries et hauts faits aux quatre vents. Huskisson serait bientôt là, le sel déposé sur nos lèvres par la brise fondrait bien vite. Mais pour quelques instants encore, nous pouvions embrasser la baie toute entière et lui offrir les oh ! et les ah ! ravis que ses plages dévoilées appelaient.

4 thoughts on “Les grands espaces, le sel et la baleine

  1. La Tribu

    Jervis Bay fait, sans conteste, partie de notre liste de lieux favoris en Australie mais il y en a tant et c’est a la fois frustrant et excitant de se dire qu’on a la chance de vivre dans un si grand et beau pays.
    Amicalement.
    La tribu de Brisbane

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    • lagrandeblonde Post author

      Ah ! La frustration de ne pas pouvoir voir tout de suite tout ce qui nous tente ! On a des sueurs froides a chaque fois qu’on regarde une carte d’Australie, tant il y a d’endroits qui nous font envie et qui sont franchement trop loin pour qu’on y file immediatement… Vivement les prochaines vacances !

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