La caverne aux dentelles
(Orient Cave, Jenolan, NSW, 13-06-2011)
La petite route nichée sous une douillette courtepointe de brouillard se répandait déserte et sinueuse dans la vallée. Quelques galets glissaient souplement à flanc de colline et les oiseaux défiaient crânement du bec les gouttes d’eau qui n’osaient abandonner l’abri rassurant des nuages. La chaussée s’étrécissait et les virages se serraient, enrubannant la falaise de bitume cabossé. Encore quelques virevoltes et Blue Lake pouvait enfin se pavaner, tout de cieux liquides vêtu, frétillant de la ride turquoise sous la brise. Une Grande Arche plus loin, une transhumance de touristes transis se pressait, tremblant et dégouttant d’averses trop copieuses, contemplant la liste des grottes ouvertes à la visite. Les plus chanceux, déjà munis du précieux sésame ouvre-toi se réchauffaient autant que faire se peut, les plus grands battant du pied au rythme de leurs grelottements, les plus petits zigzagant entre les flaques.
Quelques volées de marches, une ascension tout en accordéon, oscillant au gré d’une paire de petites jambes bien trop curieuses d’humus et de gouttes de pluie pour prêter attention aux encouragements parentaux, une lourde porte métallique à la serrure cliquetante, sinistre, un long couloir venté, une autre porte franchie bien vite et l’obscurité d’Orient Cave nous avalait.
Un léger pliquetis de gouttes tentant, l’une après l’autre de rejoindre stalactite et stalagmite en une tendre colonne. Une méduse immense égarée là depuis 400 millions d’années, oubliée par des flots depuis longtemps taris. Une scène nue, à peine parsemée de quelques cristaux perdus et un acteur monologuant inlassablement, oublieux du temps. Quelques fées ou peut-être des lutins ? bruissant gaiement autour des immenses chandelles immaculées. Une brise légère, à peine perceptible, façonnant à toutes petites touches cristaux et dépôts en guirlandes évanescentes. Des rivières, des plateaux, des deltas et des falaises minuscules scintillant d’or, de perle, de rose et d’ocre. Des lustres, des pendeloques et des fanfreluches déposées aux plafonds par quelque facétieux fantôme. Des châles aériens tissés de pierre ondulant sous le passage des ans, festonnés de franges frémissantes. Des cascades figées, transparentes, pétillantes, hors du temps. De délicieuses hélictites tourbillonnant follement tout autour des parois jusqu’en avoir le tournis. D’étranges créatures s’égaillant joyeusement le long des parois abruptes, bouquets de fleurs exubérantes s’épanouissant à la nuit noire, hordes de petites pattes galopant immobiles de crevasses en pics rocheux.
Un claquement de porte, des yeux qui clignent à la lumière crue d’un jour trop brumeux. Et une envie irrépressible de replonger bien vite dans les méandres merveilleux de Jenolan Caves. Car s’il est des monstres tapis dans ces grottes, à n’en point douter, il y règne surtout une douce magie confortablement blottie dans des parois de pierre si anciennes qu’elles en défient la mémoire.