Le roo, c’est doux ! Episode #2
(Il est (re)venu le temps des cathédrales du cours magistral. Déjà ?)
Rechaussage de lunettes, nouveau toussotement et en selle, Maestro ! nous revoilà partis à la découverte de la filière kangourou.
Une fois les quotas de kangourous fixés pour chaque zone, les « collecteurs » entrent donc en scène. Pourquoi collecteurs, d’ailleurs ? Le terme utilisé officiellement est harvester, soit moissonneur ou, pourquoi pas, cueilleur. Poétique, n’est-il pas ?
L’abattage de kangourous est un métier strictement réservé à des professionnels formés, dûment enregistrés (se cacherait-il ici comme un anglicisme ?) et contrôlés. Le collecteur suit donc une formation abordant tout à la fois des questions de législation, de bien-être animal ou d’hygiène, sanctionnée par un examen théorique et pratique. Les aspirants collecteurs doivent de plus accepter les règles très strictes qui régissent l’abattage de kangourous, règles rassemblées dans le « Code de bonne conduite pour un abattage le moins cruel possible ».
Une fois ces formalités expédiées, hop ! direction le bush, pensez-vous ? Pas tout à fait ! Notre vaillant cueilleur de kangourous doit récupérer des étiquettes d’abattage (autant d’étiquettes par zone que d’animaux à abattre et pas une de plus. Gare au tête-en-l’air qui en perdrait en cours de route !), très précieux sésame qui lui permettra de vendre les bêtes qui auront croisé son fusil (fusil qui, d’ailleurs, doit répondre à un certain nombre de questions indiscrètes critères de calibre et de puissance). Et apparemment, la chasse aux fameuses étiquettes est un excellent entrainement pré-récolte : les bureaux chargés de la distribution ne sont ouverts que deux jours par mois et tout chasseur sachant chasser sans son échtiquette souhaitant se réapprovisionner en breloques doit produire un rapport détaillé des bêtes abattues lors du précédent round. Pas de rapport ou pas assez de précisions ? Pas d’étiquettes, revenez donc nous voir la prochaine fois (donc dans une quinzaine de jours minimum). Et quand les étiquettes sont au bord de l’épuisement ? Elles font la sieste, quelle idée ! la zone en question est déclarée fermée jusqu’à l’année suivante.
Notre toujours très courageux cueilleur peut cette fois pour de bon filer dans le bush. Et il en est ravi, il commençait presque à avoir des fourmis dans les jambes. Son guide du parfait moissonneur dans une main, son fusil dans l’autre, le voilà parti pour sa récolte. Son guide est formel, il ne peut viser que des animaux se tenant debout, parfaitement visibles et ne doit pas porter son dévolu sur des femelles pourvues d’un petit en poche ou clairement dépendant. Lesdits animaux doivent être abattus d’une balle dans la tête (technique considérée comme la moins cruelle possible), à une distance maximale comprise entre 50 et 200 mètres selon l’espèce considérée. Le tir effectué, notre chasseur doit immédiatement aller vérifier qu’il a été efficace que la bête a bien été abattue. En cas d’animal blessé, de femelle portant un joey ou ayant un petit dépendant, le chasseur doit procéder à une euthanasie selon un protocole encore une fois très précis (en page 12 et suivantes du guide de bonne pratique, pour les plus curieux). Tout animal doit être très clairement identifié comme mort avant qu’un autre puisse être pris pour cible.
Les bêtes sont ensuite acheminées jusqu’à des centres de récolte et de transformation où le collecteur doit montrer patte blanche, licence et étiquettes d’abattage. Chacun de ces centres (une quinzaine en New South Wales, par exemple) doit fournir aux autorités compétentes un rapport mensuel indiquant le nombre exact de bêtes achetées, le nom des chasseurs auxquels elles ont été achetées ainsi que les numéros correspondant aux étiquettes d’abattage.
La viande (ainsi que les peau, fourrure et cuir) est transformée pour la consommation locale mais aussi pour l’export. Environ 60% de la viande récoltée termine en nourriture pour animaux. Les 40% restants sont majoritairement destinés au marché extérieur, avec une très nette victoire de la Russie qui cumule à elle seule environ 75% des exportations de viande (chiffres de 2007). Russie suivie de très loin par l’Afrique du Sud (6%), la France (5%) et l’Allemagne (4%).
Hors de question pour un macropode destiné à finir en steak, en chaussures de foot ou en gants de golf de franchir les frontières sur ses deux pattes : un bon kangourou d’export (exception faite des zoos ou parcs animaliers) est un kangourou mort. De très nombreux contrôles sont effectués et une fraude peut valoir aux téméraires jusqu’à 250.000 $ d’amende et/ou dix ans de prison. C’est qu’on ne plaisante pas avec les roos !
Nous voilà presque au bout de notre grand récit « Il était une fois le wallaby ». Ne restera plus demain qu’à parler polémiques, recettes de cuisine et bibliographie, si ça vous dit !