[Retour vers l'outback #15] Poppies and rosemary

(ANZAC Day March, Shrine Remembrance Memorial, Melbourne, 25-04-2011)

NDLaGB: aujourd’hui, 25 avril, l’Australie (et la Nouvelle Zélande) célébraient ANZAC Day (ANZAC pour Australian and New Zealand Army Corps). Vos serviteurs avaient décidé, le coeur vaillant et le bagage mince manteau douillet (il fait un froid de possum laineux ces derniers matins), d’assister au Dawn Service se tenant à l’aube au War Memorial. Pour ce faire, hop ! réveil à quatre heures du matin. Car à coeur vaillant, rien d’impossible. Well… En théorie du moins. Car, selon la bonne vieille malédiction du crâne réveil ancestral, il n’a pas pas fallu plus de 2 secondes 12 (montre en main) pour passer de la phase « Allez, c’est l’heure de se lever, ANZAC Day n’attend pas » à « Oh tiens, Morphée, ça faisait un bail, comment vas-tu-yau de pipe ? »…
Aussi, en attendant le prochain Dawn Service (dans un an, on a le temps de dégoter un réveil plus intransigeant que l’actuel), on vous propose de (re)découvrir un peu de l’ANZAC Day March suivie l’an dernier à Melbourne.

Brins de romarin et coquelicots ont fleuri aux boutonnières et aux corsages, petites parcelles de Flandres et de Gallipoli nichées juste au-dessus des cœurs, brassée de souvenirs émus répandue tout au long de Swanston St et St Kilda Road. Le brouillard a déposé quelques fines étoles mousseuses sur les buildings et les premiers rayons du soleil couvrent de caresses les tapis de feuilles craquantes dormant au pied des chênes. Vétérans, troupes, fanfares et voitures anciennes aux chromes rutilants défilent sous les applaudissements. La foule s’est parée de drapeaux, les médailles et souliers ont été scrupuleusement lustrés, les plumes des chapeaux scrupuleusement peignées et les uniformes brossés. Certains ont même été retouchés pour parer à quelque fâcheux embonpoint. Anciens combattants, familles, badauds s’entremêlent sur les pelouses du Shrine Remembrance Memorial en un joyeux mélange de courses-poursuites enfantines, d’hommage enthousiaste, de souvenirs de hauts faits d’armes et de franche camaraderie.

Cette année encore, il a retrouvé le drapeau qu’il est si fier de porter, son drapeau, qu’il a salué comme on salue un vieil ami enfin revenu. Il vacille un peu, titubant sous le poids de la hampe et des ans. L’année prochaine le verra sans doute une couverture sur les genoux, défilant à l’arrière d’une des voitures, un peu hésitant, un peu perdu, les mains tremblantes de ne plus serrer la hampe de son drapeau, n’osant pas saluer la foule. Un peu perdu mais aussi un peu fier d’observer et de savourer la présence de tous ceux venus la pour rendre hommage à leurs soldats. Un peu ému, certainement, de voir encore une fois fleurir fanions, photos de soldats tendrement portées et petits mots de remerciements aux abords du défilé.

Cette année, encore une fois, il a retrouvé son drapeau, ce vieux compagnon de tant d’ANZAC Day, qu’il est si fier d’avoir porté pour honorer la mémoire de ses compagnons de bataille. Perdu dans ses pensées, submergé de souvenirs, il avance à petits pas comptés. Il ne regarde ni la foule ni les autres vétérans, se consacrant tout entier à cette dernière marche, ce dernier hommage, ces quelques pas tremblants en forme de commémoration, bulle de souffrance et de fierté mêlées.

A son passage, la foule se fige, les applaudissements se fanent, les yeux picotent, bien vite embués. Chacun de ses pas semble mener à la chute, chacun de ses mouvements est empreint d’une douloureuse intensité, si fragile funambule accroché à un drapeau-fil, tanguant sous les rafales de l’âge et des souvenirs. Le souffle contenu, chacun l’accompagne et le soutient du regard. Il n’y a plus que lui, son drapeau et ses mains crispées sur cette hampe si lourde. Il n’y a plus que lui et l’ensemble de ses compagnons qu’il porte sur ses épaules en un vibrant hommage.

Petit pas après petit pas, il s’éloigne, tout doucement, et emporte avec lui la bulle de silence fantomatique entourant sa marche hésitante. Les oreilles reprennent vie, les yeux s’essuient furtivement et les applaudissements chaleureux résonnent à nouveau, chargés d’une émotion nouvelle. Les eucalyptus ont laissé la place au romarin, Gallipoli n’est plus soudain plus très loin.

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