Vol au-dessus d’un nid de cockatoos
(Hawker, South Australia, 25-12-2011)
A Hawker, quand le soleil s’en va enfin voir plus loin à l’ouest s’il y est, le mercure daigne se faire un rien plus tendre. Oh, pas beaucoup, hein ! Mais suffisamment pour que le bush tout entier pousse un grand soupir de soulagement. Chaque soir, dès ce fameux soupir poussé, c’est tout un festival de plumes blanches, roses, jaunes, rouges, parfois encore vertes ou bien bleues, et puis brunes aussi, qui s’égaille tout autour de la ville, en grands tourbillons piailleurs. Et ce sont de véritables escadrons de voltigeurs qui s’élancent de chaque arbre, piquent, tournoient et zigzaguent à travers les champs, froissant d’un coup d’aile les épis de blé qui croulent sous les grains. La chorégraphie est immuable et se répand en une marée folle d’enthousiasme.
Chaque soir, au pub, en entendant les cris des cockatoos, des galahs, des king parrots et de tous les autres, on hoche la tête et on se dit que c’est l’heure de la première vraie pinte de la soirée. Les oiseaux sont presque couchés ? Voilà le moment venu de lever le coude, histoire d’hydrater un gosier qui tient plus du papier de verre que d’autre chose !
Chaque soir, les enfants se précipitent dans les backyards pour admirer loopings et prises de bec. Ils râlent un peu, aussi : l’heure des piafs venue, il ne leur reste plus beaucoup de temps avant d’aller se coucher… Et tout de même, quel gâchis ! Depuis les premiers jours du village, les enfants se sont toujours ingéniés à dresser les volatiles du cru pour qu’ils mettent la tête sous l’aile à des heures plus raisonnables. Peine perdue !
Chaque soir, les voyageurs de passage s’égaillent aussi, bayant aux perruches et poussant des petits cris ravis. Ils en oublient la viande qui grésille sur le barbecue, les ampoules à soigner, la tente à monter ou l’itinéraire du lendemain à tracer et se contentent de sourire béatement en observant les vagues emplumées qui papillonnent et tourbillonnent à perte de vue. Et puis, lorsqu’il deviendrait presque temps de se lasser, le ciel se prend au jeu et se pare de rouges vifs, d’orangés craquants, de roses tendres, de jaunes douillets et même d’un peu de mauve poudré. La viande peut bien brûler, les ampoules enfler et la tente s’envoler, le coucher de soleil, comme les perruches et cacatoès juste avant lui, ne saurait attendre…