Morphée à la science
(Effectivement, ceci est un coucher et non un lever de soleil)
(Mais n’empêche qu’il est plutôt chouette, non ?)
Une journée de travail qui se doit de commencer impérativement avant l’aurore. Une journée décidée au tout dernier moment. Un enthousiasme à toute épreuve et des roulements de mécanique, à grands renforts de « Easy peasy, lemon squeezy » et de « Fingers in the nose que je suis sur le pont à cinq heures et demie demain matin, too easy ! »
Un petit matin, tout petit, petit matin, vraiment bien trop petit matin. Un réveil qui tonne à quatre heures tout juste tapantes, un LeGB qui grogne pour la forme, se roule en boule sous la couette, se rendort. Et une LaGB qui tombe du lit.
Un thé très chaud, vraiment très chaud, bien trop chaud et affreusement trop infusé. Un véritable thé à la grimace. Mais un thé qui réveillerait une LaGB tombée du lit, pour le coup.
Une paire de gants, des chaussettes de ski, un manteau, un bonnet, une écharpe et un thermos de thé, infusé dans les règles de l’art cette fois-ci, de quoi affronter le froid polaire du petit matin canberrien. Un instant d’hésitation devant la pelisse en poil de caribou mexicain angora, un coup d’œil au thermomètre et un haussement d’épaules : nope ! il ne fait pas si froid que ça.
Un départ sur la pointe des pieds pour ne pas réveiller Le… paf ! un grand coup d’orteil dans une [par souci de préserver les yeux les plus chastes, chacun des membres de la longue litanie de jurons prononcée à cet instant t sera remplacé par un très inoffensif #] #-de-paire-de-#-chaussures-de-#-#-#-#-qui-n’a-#-rien-à-faire-là-#-c’est-tout-de-même-pas-#-possible-il-pourrait-pas-#-ranger-ses-#-#-#-de-chaussures-#-non ? Une petite pause respiration et un coup d’œil plus tard, lesdites chaussures s’avèrent propriété de LaGB, qui se perd alors en sifflotements innocents. Et se hâte vers la porte d’entrée en trainant la patte et sa dignité.
Un départ un peu moins sur la pointe des pieds, donc, un peu boitillant aussi. Mais un départ sous la Lune et dans le noir presque complet, les lampadaires de Canberra n’étant pas des lumières mais tenant plutôt de la vieille tortue neurasthénique et asthmatique. Et puis un départ sous les nuages, aussi. Un départ d’un pas vif, boitillant, mais vif. Enfin, aussi vif que possible, enturbannée dans 26 couches et demie de vêtements profilés tout exprès pour le Groenland. Groenland au beau milieu d’une période glaciaire, s’entend.
Une goutte qui tombe du ciel. Une goutte toute froide, bien trop froide. Et puis des copines à elle qui rappliquent aussi. Les gouttes de pluie du petit matin ont l’esprit d’équipe, qu’on se le dise. D’autres gouttes, donc, très joyeuses, très nombreuses, bien trop nombreuses. Et un grand soupir qui envisage de filer fissa retrouver la couette.
Un nuage qui finit par se lasser, une marche qui continue, rapide. Et un bonnet qui se fait bien vite trop chaud, des gants qui grattent, beaucoup. Trop. Un manteau lourd, vraiment trop lourd. Sans même parler des chaussettes de ski… Et un véritable brouillard de vapeur qui se dégage. Comme un sauna portable, la neige en moins. Et les beaux Suédois en moins, aussi.
Un parc à traverser. Pas un bruit, on entendrait une feuiller tomber. Et puis un bruissement dans un buisson. Une certitude : c’est un zombie. Ou le fantôme sans repos d’un fêtard tombé dans le traquenard de Canberra la trop calme. Cinq heures du matin, c’est l’heure des fantômes de fêtards égarés, non ? Ah ben non, finalement, c’est un possum. Mouais, c’est vrai qu’un fêtard égaré à Canberra, ce serait surprenant… A tout prendre, le zombie est largement plus probable.
Une arrivée en nage, les joues écarlates et la mèche collée au front. Un grand verre d’eau et 24 couches de harnachement à faire pâlir Paul Emile Victor de jalousie, hop ! à la paillasse, et que ça saute ! La science n’attend pas, les plantes non plus. Et hors de question de bailler, c’est pas le moment. Ni de se plaindre du froid, d’ailleurs. Comment ça ? Il fait froid ? Plutôt très froid ? Vraiment trop froid ? Si froid que les pipettes jouent des castagnettes ? Qu’importe le chauffage, pourvu qu’on ait les tubes à essai (NDLaGB : le scientifique aime beaucoup à détourner proverbes et dictons) (c’est là son moindre défaut).
Et puis l’expérience terminée, la paillasse rangée sens dessus-dessous, les ongles bleus de froid (et rouges de vernis), les dents qui jouent des claquettes, un autre thé. Un thé infusé dans les règles de l’art, lui aussi. C’est qu’on ne plaisante pas avec le thé. Ni avec le chocolat. Ou même avec les bretzels, d’ailleurs. Et surtout pas quand on s’est levé à quatre heures du matin. Non mais !
Et puis un petit tour dehors, où il ferait presque plus chaud qu’à l’intérieur. Un petit tour dehors, tasse à la main et un coup d’œil au soleil qui se lèverait presque. Qui se lève, même, qui se lève de plus en plus, au milieu des chants d’oiseaux qui sortent du nid. Un petit moment tranquille, perchée sur un banc perdu au milieu des eucalyptus, des rosellas, des serres et du soleil tout juste réveillés. Un petit moment, un grand bâillement et un haussement d’épaules : finalement, ça a du bon, de donner Morphée à la science. Bon, pas souvent, tout de même, faudrait voir à ne pas pousser LaGB dans les orties hors du lit trop régulièrement !
le banc ! On ne regarde jamais assez les levés de soleil !
Je retiens la recette du thé trop et trop infusé, les levés à l’aube du mercredi matin étant un peu compliqué
C’est pas bon pour les rides et les ridules (tu grimaces comme c’est pas permis) mais ca marche du tonnerre, le the trop infuse ! Tu me diras si tu essaies ?
superbe photo! Les réveils si tôt te vont si bien, ça en devient presque poétique bises x
Merci, m’dame ! La photo, elle vient de Victoria, il faudra qu’on en reparle, le coucher de soleil etait magique !