Blizzard et merveilles

(Spencer’s Creek, Kosciuszko National Park, 27-05-2012)

Depuis une semaine et quelques poussières, la météo, quelle mouche l’a donc piquée ? s’est drapée dans sa dignité hivernale et nous gratifie de températures dignes d’un mois de juillet, foi de Canberra Times. Mais pas seulement… Hors de question en effet de se contenter d’une chute de mercure à faire claquer des dents un mammouth laineux. Non, vraiment, pourquoi faire si peu lorsqu’on peut aussi faire chuter la neige en avance sur le calendrier ? C’est ainsi que la fin de semaine dernière a vu les Snowy Mountains affronter un blizzard fort démonstratif et tout particulièrement en verve. C’est également ainsi que d’aucuns à Canberra ont pu assister à de bien drôles de conversations :

- Alors, blizzard ou pas blizzard ?
- Blizzard, toujours blizzard !
- Tu dis blizzard ? Blizzard, blizzard… Comme c’est blizzard !
- Catastrophe et clous de girofles, blizzard et magret de canard, billevesées et poisson pané, va falloir se rendre à l’évidence, les carottes sont cuites et les routes vont être fermées… Enfer et haricots beurre, blizzard et patates au lard !

C’est qu’il avait été prévu de longue date de filer avant même les aurores dimanche matin, direction donc les Snowy Mountains pour faire découvrir à deux stagiaires frigorifiés le plus haut sommet australien. Deux jours durant, le BOM devenu livre de chevet livrait ses prévisions peu rassurantes, promettant congères, verglas et engelures aux intrépides qui oseraient, malheur ! s’approcher un tantinet soit peu de Kosciuszko. Et puis samedi soir, alors même que Canberra grelottait tant et plus et maudissait le simple vitrage, par on ne sait quelle magie météorologique, les Snowy Mountains renouaient tout par un coup avec le beau temps.

Il n’en fallait pas plus pour filer ventre à terre, polaire au dos et chaussettes de ski aux pieds, direction Charlotte Pass. Un petit arrêt à Cooma pour louer des chaînes, quelques minutes à Jindabyne pour glaner quelques informations quant à l’état des routes (et siroter un chai latte) et hop ! il ne restait plus qu’à se lancer à l’assaut du Parc, sans trop savoir ce qui nous attendait. Bien vite, des premières plaquinettes de neige. Puis des plaquettes. Et puis des plaques. Bientôt, des monticules de neige en bord de route et des creeks gelés. Des eucalyptus tout festonnés de glaçons et des petites traces de pattes frigorifiées semées de-ci, de-là. Et puis du blanc, à perte de vue. Du blanc et du bleu, du ciel, de la neige, des nuages flottant loin tout là-haut. Et quelques pépites de soleil oubliées çà ou là.

A Spencer’s Creek, en attendant que la route montant à Charlotte Pass montre patte blanche et bitume non verglacé, il y avait des anges et des boules de neige. Quelques bonhommes aussi. Et des mains rougies d’avoir joué dans la neige qui craque de froid. Des pieds qui hésitent un peu et des yeux qui s’écarquillent. Et puis, enfin, le redémarrage, quelques virages et le cœur qui chavire un peu, heureux. Un manteau tout frais, étendu  loin sur l’horizon, un skieur et quelques promeneurs, un chemin à tracer à petits pas prudents, une passerelle qui se devine à peine. Des feuilles qui se parent de cristaux glacés, une neige qui chante sous les pas et des boulders qui jouent à cache-cache. Et puis une vue à couper le souffle, des reliefs qui s’endorment drapés dans leur couverture douillette, un ciel si proche qu’on l’effleurerait presque du doigt. Comme un petit air de magie aussi, de cette drôle de magie qui fait murmurer sans répit des « Que c’est beau, mais que c’est beau » et des « Tu te rends compte… De la neige en Australie ! », les yeux pétillants et un grand sourire un peu niais aux lèvres.

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