Comme un grain de soleil
(De l’huile de coude, quelques fous-rires et hop ! Vénus pointe le bout de son ombre…)
(elle est pas belle, la vie planète ?)
A la tea room, un mercredi matin d’hiver. Les tasses de café fument, rien de très surprenant pour un début de journée frisquette. A tendre l’oreille, cependant, il y a quelque chose d’un peu étrange. Il n’est question que de transit et de la meilleure méthode à adopter pour visualiser ledit transit. En groupe. Chacun y va de son avis : la boite en carton tient la corde mais le papier d’alu n’est pas loin derrière. D’aucuns préconisent d’avoir recours à une éprouvette graduée, parce que c’est plus précis. Ou tiens, pourquoi ne pas utiliser une paire de jumelles ? Un haussement circonspect de sourcils plus tard (et une grande lampée de café, aussi), la lumière se fait brusquement: mais c’est bien sûr, il est question du transit de Vénus ! Il n’en faut pas plus pour sauter à pieds joints dans l’enthousiasme ambiant et y aller de ses propres propositions un tantinet farfelues mêlant gaiement matériel de labo et attirail de tea room dans un grand bricolage forcément révolutionnaire. Pas forcément très efficace en revanche mais là n’est pas la question.
Deux grandes tendances se dessinent au fil de la journée : les adeptes du carton, donc et puis les inconditionnels de la paire de jumelles, chacun campant fièrement sur ses positions. L’on a sacrifié sur l’autel de l’observation solaire un rouleau de papier d’alu et puis aussi un de ces grands draps de velours qui font de si jolis fonds noirs pour les photos de plantes en serre. L’on est parti chercher des pinces de l’ancien temps tout au fond d’un carton remisé il y a quelques siècles tout au sommet d’une étagère qui vacille un peu. Et puis on a assemblé le tout avant de monter sur le toit du bâtiment en procession solennelle et en essayant de ne pas s’entrouper qui dans un drap, qui dans un fil. Une fois sur place, dammit ! Les eucalyptus font trop d’ombre et le vent souffle bien trop fort. Qu’à cela ne tienne, nous voilà redescendus tous en groupe, les expérimentateurs, les photographes amateurs bombardés reporters, les cartons, les cylindres en tout genre, les jumelles, les huit couches de papier d’alu et la feuille de papier blanc qui servira d’écran si elle n’est pas trop froissée d’ici là. Les cheveux sont un peu ébouriffés mais le moral des troupes est au beau fixe : Vénus n’a qu’à bien se tenir et numéroter les satellites qu’elle n’a pas, on va y arriver !
S’ensuit alors une longue séance de mise au point et de transhumance, à la chasse au spot parfait, sans ombres et sans nuages. La quête du Graal revisitée en quelque sorte un beau jour d’hiver canberrien quand le ciel s’emmitoufle de gris et que le grésil s’invite à la fête… Néanmoins, impossible n’est pas chercheur et à force de persévérance et de calculs parfois fort approximatifs, we did it ! Le soleil a enfin daigné se montrer un tant soit peu coopératif et c’est sous les vivats de la foule en délire trois courageux expérimentateurs grelottants que Vénus est apparue, petit point noir que l’on a tout d’abord pris pour une saleté sur l’écran-feuille de papier… Il n’en fallait pas plus pour que l’esprit critique scientifique refasse surface, tout frigorifie qu’il ait pu être juste avant : au fait, quelle est donc la meilleure méthode pour visualiser ledit transit de Vénus ? A ma gauche, la boite en carton mit cylindre et papier d’alu. A ma droite, la paire de jumelles montée (de façon fort artisanale et bancale) sur pied photo mit drap-chambre noire. Après une longue série d’analyses en tout genre, de fous-rires et de photos pas tout à fait précises, nous, autoproclamés experts es machines à voir les planètes qui baladent leur ombre sur le Soleil, sommes formels : pour avoir une jolie image, la paire de jumelles s’impose. Mais pour avoir mal aux côtes à force de rire, la boite en carton est définitivement le meilleur choix possible. Rendez-vous est déjà pris au prochain transit de Vénus dans 105 ans pour répéter la manip’…
Pour voir de fort jolies et/ou rigolotes photos du transit de Vénus en Australie, c’est par ici et puis aussi par là !
Rdv dans 105 ans alors !
Yep! On aura eu le temps de peaufiner les techniques d’ici la…
C’est marrant, ici en France, on a eu la même chose, mais le grain de beauté nettement plus au sud, en dessous de l’équateur solaire …
J’aime tes billets, ils me donnent la nostalgie des aussies …. mais pas des saisons à l’envers !!!
Merci, m’dame !
Ici aussi, Venus etait au sud en realite. Il nous manquait une lentille pour reinverser l’image. On va continuer a s’entrainer pour etre parfaitement au point lorsque la prochaine rencontre au soleil aura lieu. On a le temps!