From a little shell at the bottom of the sea

(Shell Beach, WA, 08-07-2012)

Sur la route de Denham, il y a un panneau pas bien gros, un panneau tout brun et un peu cabossé (comme souvent sur les routes australiennes), un de ces panneaux qui ont vu passer des générations de road trains et les gravillons qui volent avec. Mais ce panneau-là est un peu particulier. C’est que ce panneau-là, tout décrépi et tout parsemé d’éclats qu’il soit, attire forcément le regard et n’a de cesse de susciter petits cris ravis et virages à l’équerre. Le tout grâce à cinq petits mots qui, pris séparément, n’ont pas de quoi impressionner le péquin moyen mais qui, mis bout à bout, peuvent pavoiser bien haut : Shell Beach, World Heritage Site.

Quand on arrive de Denham et qu’on croise le frère jumeau du panneau sus cité, bien évidemment, on pousse aussi des petits cris ravis et on se lance dans un virage à l’équerre (à Shark Bay, les panneaux jumeaux entraînent des réactions parfaitement prévisibles et symétriques) (c’est fou !). On cahote un peu et puis on arrive au parking, quelques voitures toutes pleines d’affaires de camping, de la terre toute rouge, quelques buissons tout verts et un ciel tout bleu. Et puis un estomac tout affamé aussi… Alors on s’installe pour un casse-croûte improvisé sur un coin de coffre. Et on rit de retrouver en voisins ceux qui nous suivent depuis quelques heures, de petit coin merveilleux en pépite jolie. On rit et on casse-croûte de concert, troquant bière contre gherkin relish et mandarines contre chocolat.

Une fois repus, on bondit bien vite par-dessus les dunes qui ondulent doucement. On lève le nez et on observe les premiers nuages qui se posent au loin sur l’horizon, avec armes, bagages et familles sous le bras. Encore quelques pas et la dernière dunette rend les armes, le sable capitule et ce sont à nouveau les coquillages qui gagnent. Toujours aussi blancs, petits et craquants. Toujours posés là l’air de rien tout en bord d’une eau claire, claire, claire, si claire qu’elle étincelle et éblouit jusqu’aux poissons qui paressent entre ses vagues. Fraiche, fraiche, si fraiche qu’elle en fait frissonner jusqu’aux cormorans qui paressent non loin. Vaguelettes pétillantes et coquilles scintillantes s’étirent, s’étalent et baillent à perte de vue (c’est un fait, en début d’après-midi, vaguelettes et bivalves sont de grands adeptes de la sieste). A en croire les plus bavards et vantards des coquillages, d’aucuns de leurs courageux congénères ont parcouru plus d’une centaine de kilomètres pour trouver bout de crique à leur nacre. Et il parait que le soir à la veillée, se murmurent des histoires de requins tigre, de coquillages héroïques et de bancs d’algues magiques. Surtout les soirs de tempête, lorsque le ciel tourne à l’orage. D’ailleurs, tiens, il semblerait bien que ce soir soit une soirée à légendes…

On trempe un orteil et puis deux, on chatouille les bancs de poissons du bout du doigt, on cherche les requins tigre qu’on aimerait bien saluer mais qui, les fourbes ! sont allés passer l’hiver plus au chaud, on guette les nuages qui, effectivement, froncent de plus en plus le sourcil et puis on transforme Thèse en bonhomme de coquillages, on s’enfouit les pieds dans ces montagnettes qui craquent et glissent. On soupire de bonheur et on se dit que malgré les nuages, on aurait peut-être dû penser à la crème solaire. C’est que, dammit ! on va virer homard fissa…

Et le vent se lève. Un vent de légende, majestueux et fier, un vent qui dit la tempête, les requins tigre bientôt revenus de leur villégiature hivernale et les coquillages qui partent à l’aventure sable au clair. Un vent qui dit aussi qu’il serait grand temps de rejoindre G[r]o Kombi si on ne veut pas finir trempés comme des soupes, frissonnant et éternuant de concert. C’est que ce vent de légende-là n’aime guère que les coquillages, les poissons petits et gros, à grosses dents ou pas et n’est que (très) modérément patient avec les humains. Autant filer bien vite : si l’envie de légendes se fait trop forte, on pourra toujours revenir par beau temps et s’offrir un brin de causette avec un de nos chers bivalves bavards… En attendant, au chaï latte, moussaillons ! Et que ça saute !

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