Nappe, chute et match…

(Seonimgyo Bridge, Seogwipo, Jeju-do, 23-10-2012)

Tout vadrouilleur vous le dira, on ne se méfie jamais suffisamment des chausse-trappes, traquenards et autres pièges à ours qui se glissent subrepticement sous les pieds lorsqu’on s’aventure en territoire inconnu, le sac à dos intrépide et la Converse à paillettes téméraire. Après quelques jours en kimchi dans le texte, LaGB est formelle : le danger se blottit parfois bien loin de là où on l’attend…

Les balades de cascades en falaises de roche volcanique, easy peasy! Les escalades de cratères, les musées farfelus, les champs de thé, les marches en bord d’océan sous les étoiles, no worries! Le poulpe cru mariné, le bibimbap, les tombereaux de kimchi, le bulgogi et les dim sim au petit-déjeuner, too easy! Les nappes, en revanche…

Un jeudi soir de fin de conférence. Un banquet tout hérissé de scientifiques très sérieux, une immense salle de bal saupoudrée de tables joliment dressées, un tourbillon de serveurs qui filent à toute berzingue, chargés d’assiettes ou de pichets de bière (c’est que le scientifique fort sérieux, les soirs de banquet, a comme une légère tendance au lever de coude). Sur scène, après un exposé boring boring decrivant par le menu l’impact d’un retard de floraison du chou chinois en zone tropicale ventée sur la fermentation dudit chou et les arômes en dérivant (vous avez dit bizarre, comme c’est bizarre…), des musiciens s’installent pour quelques morceaux appartenant au folklore local. Jolis instruments, jolie mélodie, jolie lumière bleutée et tamisée, ni une ni deux, LaGB sort de table discrètement pour remplir sa mission filmesque. Enfin, en théorie. Parce qu’en pratique, il en fut tout autrement…

C’est un fait, le Coréen n’est pas très grand, c’est le moins que l’on puisse dire. Aussi, et entre autres choses, tables et chaises sont fort basses. De quoi croire son mètre quatre-vingt évadé dans la chaumière des Sept Nains une semaine durant… Rien de très grave en soi : en cas de manque de place, il suffit d’étendre les jambes et le tour est joué. Certes. Sauf que les soirs de banquet, on met les petits plats dans les grands et les longues nappes sur les petites tables. Longues nappes qui se drapent en plis gracieux jusqu’au plancher.

C’est un fait également, LaGB n’est pas très douce et a une tendance relativement marquée à jouer les bulldozers, c’est le moins que l’on puisse dire. Las ! Les bulldozers sur pattes trop grandes et les nappes trop longues font rarement bon ménage. C’est ainsi qu’un jeudi soir de banquet tout hérissé de scientifiques très sérieux, en plein récital de musique traditionnelle coréenne, LaGB s’est levée d’un pas décidé (à défaut d’être gracieux), s’est gaillardement entroupée dans un pan de nappe et s’est lancée dans une chute acrobatique, au ralenti, emportant avec elle assiettes, couverts, verres, fleurs, vase, menu, téléphones et pichets de bière. Sous le regard médusé de ses voisins de table…

Histoire de ne surtout pas faire les choses à moitié, non contente de jouer les voltigeurs en goguette sur moquette et de faire glousser (même pas sous cape) près de deux cent invités, le tout sans avoir même bu une goutte de bière, LaGB a-t-elle, en un coup de nappe hardi, orné ses jambes de deux beaux cocards comme-quand-on-avait-cinq-ans-et-qu’on-se-râpait-les-genoux-en-tentant-de-grimper-aux-arbres-et-qu’on-demandait-penauds-un-peu-de-rouge-qui-ne-pique-pas-pour-soigner-nos-blessures-de-guerre. Mais aussi sa cheville d’une sympathique entorse, accessoire tout particulièrement recommandé en cas de crapahutage à flanc de cratère et d’aéroports.

Oui, en vadrouille, on ne se méfie jamais assez de son environnement. Ni de sa propension à s’inventer ses propres petits chausse-trappes personnels. Parce qu’il faut bien l’avouer, si bleus, bosses et bugnes sont du domaine du plus que commun chez LaGB-bulldozer, la nappe comme instrument contondant, c’est tout de même une grande première…

15 thoughts on “Nappe, chute et match…

  1. Anna

    On ne dira jamais assez à quel point c’est dur d’être grand dans une société de plus petits que soi. Les petits peuvent toujours aller chercher marche-pieds et escabeaux ; mais nous, que pouvons-nous faire de nos centimètres supplémentaires ? *sanglot théâtral*

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    • lagrandeblonde Post author

      *sanglote allegrement dans son mouchoir apres avoir respire deux kilos d’oignons frais* Mais tout a fait, on ne le dira jamais assez ! Et d’ailleurs, quid de cette injustice flagrante face aux longueurs de pantalon : les petits peuvent toujours faire des ourlets mais nous, que pouvons-nous faire de notre allure peche aux moules/feu au plancher?

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  2. petit'ann

    Ahahahah, Grands Esprits en effets: tu as du me précéder d’à peine quelques heures (jeudi midi ici pour ma part).
    Il est indéniable que le prix artistique te reviens.
    Pour ma part j’ai traversé un chemin en pente et suis partit en roulé boulet. Très peu de témoins.
    Bon repos
    Bises

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  3. Ampelopse

    Désolée, mais je ne peux m’empêcher de pouffer légèrement!
    Mais point de moquerie, c’est juste que le récit est croustillant…et j’imagine la tête du scientifique coréen ou pas devant le spectacle! Et je suppose que les converses a paillettes n’étaient pas de la « party »?
    Et alors…wheelchair à l’aéroport? Et un LeGB au petits soins je présume…(dumoins j’espère!) Bon rétablissement!
    Quoiqu’il en soit pas de folie

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    • lagrandeblonde Post author

      Etonnament, tout le monde pouffe quand je raconte mes mesaventures nappesques…
      Les Converse a paillettes etaient de la partie, de quoi me transformer en boule a facettes matinee de comete… Classe, non ;-)

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      • Ampelopse

        Aaaahh! J’avais imaginé talons hauts et robe de soirée de fin de convention…ce qui justifiait absolument l’emmellage de crayons-sous-la-nappe…mais bon, pour le coup, la maladresse des pieds ne s’explique pas…tout cela venant de qqu’un qui a 2 mains gauches: moi!!

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  4. Sev

    Ouch! M’enfin, je ne te jetterai pas la pierre (Pierre) car je suis spécialiste de la cascade acrobatique. La plus mémorable étant l’empiergement dans sa propre jambe de pantalon avec pour résultat ouverture de l’arcade sourcillière. Le tout en plein bord de plage un 31 décembre au soir.

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    • lagrandeblonde Post author

      Je commence a croire qu’il y a une certaine inclinaison aux chutes acrobatiques. C’est un don, voila… :-D

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