La montagne coquette

(Lake Matheson, South Island, New Zealand, 27-12-2012)

Les oiseaux ont chanté tôt, très tôt, avant même que le soleil se réveille. Et ils ont eu bien raison, une longue route nous attendait, sans doute l’une des plus grandes étapes de notre périple chez les Kiwis. Pensez donc, 350 kilomètres à parcourir en une journée…

Levés avant même potron-minet, nous étions bien vite partis, filant cheveux au vent et veste aux épaules jusqu’à Queenstown. Enfin, filant, c’est vite dit… C’est qu’il y avait moult arrêts, merveilles et détours qui nous attendaient en cours de route. Et que, foi de Chercheur d’Oz, on ne refuse jamais l’appel du pied du road atlas. Ah ça non !

Premier clin d’œil très appuyé de la carte, Lake Matheson, à quelques encablures de Fox Glacier. Un lac où, d’après les légendes, le Mont Cook et ses copains de massif se mirent, s’admirent et se susurrent des mots doux quand le beau temps s’en mêle. Autant dire pas très souvent… Mais ce matin-là, comme un fait exprès, le ciel est bleu porcelaine, la lumière dorée, caressante. Les premiers rayons du soleil chatouillent qui les sommets enneigés, qui les fougères. Il y a quelques oiseaux ébouriffés et encore tout ensommeillés qui glougloutent, qui sifflotent ou qui ronflotent.

Quelques randonneurs aussi et un coureur très concentré qui avale les tours de lac au triple galop. Un raisin toast pour se donner du courage (pas que la marche soit ardue, non, simplement qu’on cligne encore un peu des yeux et qu’il ne fait vraiment pas très chaud) (plaignez-nous, les gens, plaignez-nous !) et hop ! nous voilà lancés.

Comme toujours chez les Kiwis, le sentier est d’un luxe quasi indécent. Foin de rocaille de guingois ou de sente de quinze centimètres de large se cachant sous les hautes herbes, non. Ici, on cause passerelles en bois, marches tracées au cordeau, rampes si nécessaire et larges passages tendrement entretenus. Ne manque que la moquette ! Il fait frais sous les fougères, les cailloux s’ébrouent et les toiles d’araignées ont des airs de tiares. Tout au fond, le Mont Cook finit de s’étirer, on pourrait presque l’entendre bailler s’il n’était pas emmitouflé dans sa courtepointe de nuages (c’est que le Mont Cook est frileux et qu’il déteste par-dessus tout avoir le bout du sommet froid).

On aperçoit le lac une fois, deux fois, trois fois. Une passerelle, une petite côte, quelques mousses qui pétillent, un kereru qui roucoule, quelques branches qui chantonnent. Une autre passerelle, une autre petite côte et cette fois, le voilà pour de bon, le fameux lac-miroir. Les montagnes sont là aussi, au rendez-vous, coquettes, appliquées. Elles se chahutent et se bousculent, c’est une cohue immobile pour savoir qui aura la meilleure place. Mais tout ca en silence : le Mont Cook, tout drapé dans ses flocons de nuage et dans sa dignité de plus haut sommet, veille au grain.

Une petite brume patine sur son propre reflet, elle volute et elle s’allonge, elle trottine, tourne et vire, serrant dans ses petits bras tout frêles les canards qui paressent, les fougères qui frissonnent et les grenouilles qui coassent sur la rive. On ne sait plus trop où commence le reflet, où il s’arrête. C’est un peu hors du temps, on n’entend bientôt plus que quelques feuilles qui murmurent, il n’y a qu’à fermer les yeux très fort quelques secondes pour qu’en les rouvrant, on voie apparaitre un dragon, un palais semé de tourelles toutes plus fines les unes que les autres, de preux chevaliers, peut-être un mage avec une longue barbe et des étoiles au galurin.

Et des œufs Bénédicte avec un bon cappuccino. L’estomac du LeGB gargouille façon dragon furieux, il est temps de s’arracher à la contemplation du lac-miroir. Parce que, qui sait, si on ne file pas bien vite, on pourrait rester là pour quelques siècles, à admirer les montagnes guillerettes et à guetter le fantastique qui, c’est sûr, ne peut se cacher très loin.

On repart donc, tout doucement, à regret. Pour ne pas briser le charme trop vite (et aussi pour combler l’estomac vindicatif du LeGB, certes), on s’installe sur la terrasse du Matheson Café, les orteils en éventail, bientôt repus et le cœur chaviré de bien-être. Et on se promet qu’on reviendra très vite. Pour cette fois quelques siècles, au moins.

14 thoughts on “La montagne coquette

  1. Lili

    c’est magnifique ! Je ne suis pas allée en Nouvelle-Zélande mais je me souviens qu’en Tasmanie, c’était un peu pareil pour les passerelles en bois. Tout était entretenu parfaitement. On avait même pas envie de mettre les pieds à côté du chemin de peur d’abîmer l’herbe !

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    • lagrandeblonde Post author

      C’est souvent le cas en Australie aussi, c’est vrai. Et oui, on a tendance a etre super attentifs, pour le coup!

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    • lagrandeblonde Post author

      Merci ! Et bienvenue chez nous !
      On a eu beaucoup, beaucoup de chance ce jour-la, c’etait fantastique. Prochain objectif, y retourner et essayer d’en profiter au coucher du soleil. Va falloir qu’on y reste un moment, je crois…

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  2. petitann

    me semble que tous les ingrédients étaient réunies … sans oublier les oeufs cocotte! ça fait des plombes que j’ai pas eu le temps de lire, je vais me plonger dans les derniers articles de suite

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