Collé serré
(Oh non… Pas les stickers ! Tout mais pas ça !)
Il y a des lois immuables, comme ça, des lois qui sont passées de génération en génération depuis au moins tout ça, gravées dans le marbre et très scrupuleusement obéies. De ces lois que l’on redoute, de ces lois qui font frémir. Des lois dont on se murmure l’intransigeance et la dureté en frissonnant le soir au coin du feu, quand le brouillard et le gel incitent aux récits qui font trembler.
Et parmi ces lois, il y en a une en particulier, une loi toute spécialement redoutée en Australie, une qui ne s’en laisse jamais conter, une qu’on n’imagine même pas transgresser : jamais, au grand jamais, des clous sur tes murs tu planteras quand en location tu seras. Il se chuchote tout bas, tout bas, que dans chaque agence de location australienne, au sous-sol, est construit un cachot caché (oui, oui, parfaitement, un cachot caché) dans lequel se terrent les téméraires qui ont osé braver l’Interdiction*. Tremblez !
Comme le cachot caché n’est pas vraiment bon pour le teint, peu après notre arrivée dans notre premier vrai chez-nous australien, décision fut prise de ne pas jouer avec le feu et donc pas avec le marteau non plus. M’enfin, les murs blancs, ça va bien cinq minutes… Mais ça finit relativement vite par devenir lassant. Et ce malgré toute la bonne volonté de nos voisins les octopattus qui s’en donnent à cœur joie question génération spontanée de toiles (c’est une certitude, Pasteur n’est jamais venu en Australie, autrement, il aurait revu sa copie). Décision fut donc prise, après moult soupirs, de renoncer, le cœur en miettes, auxdits clous bannis et de se rabattre sur les photos/cartes collées d’un coup de scotch et… les stickers (oui, hein, les extrémités auxquelles on se retrouve acculé, parfois, tout de même). De quoi lutter un peu contre la murtoutblanchite aigue qui sévissait durement. Et on y prend vite goût, au scotch double-face anti murs blancs. Ah ! ça oui !
Et puis un jour, on déménage… Et ce jour-là (enfin, quelques jours avant, soit très exactement en ce moment même), on commence à récolter les souvenirs de vadrouille et les mots de ceux qu’on aime qui ont poussé sur les murs du salon. Et puis aussi les quelques stickers semés sur les murs de la chambre. Enfin, on essaie. Parce qu’après trois ans, la colle ne fait plus qu’une avec les murs et il faut au moins un triple doctorat en décollage de trucs qui collent / patience dalaï-lamesque / ongles en acier trempé pour venir à bout de ces %#$®@* de ~&^@!+√ de trucs à la &%$#@|?~ qui collent comme c’est pas permis.
De quoi finir (encore une fois) rouge, échevelée, en sueur, avec de la colle à sticker jusqu’à la pointe du sourcil (en bataille) et des morceaux de scotch double-face jusque derrière le genou. Toutes choses qui ne seraient certainement pas arrivées avec un bon vieux clou. Damn you, loi immuable ! Et damn you aussi, Valérie Damitruc !
* bon, d’accord, en vrai, c’est pas tout à fait si pire, bien que tout de même un poil contraignant. Il faut demander l’accord officiel et express (très rarement accordé) de l’agence et du propriétaire pour planter le moindre clou, précisant tres exactement l’emplacement, l’outillage utilisé et la couleur du cheval blanc d’Henri IV. « A nous de vous faire préférer le train scotch » pourrait vraiment être le slogan des agences immobilières australiennes…