Too many pebbles in my shoes

(Massif du Piton de la Fournaise, 28-12-2013)

 Pas le temps, pas le temps, pas le temps… Il y avait un peu de Lapin Blanc avec nous lors de notre escapade réunionnaise. C’est que deux semaines, c’est très beaucoup vraiment trop court si on veut vadrouiller nez au vent, crapahuter sur les sentiers, profiter des petits et des grands, boulotter sans faim fin et rêvasser les orteils en éventail dans le sable. Alors on a couru et puis on s’est très souvent dit « La prochaine fois ! ».

Mais le Lapin Blanc vous le dira, même lorsqu’on n’a pas le temps, pas le temps, on ne peut pas passer à côté du volcan, même pour un tout petit tour. Parce que. Parce qu’il faut bien prendre le temps de temps en temps. Et puis c’est tout. Certes, le Lapin Blanc ne brille pas vraiment par ses capacités d’argumentation. Mais tout de même, il a raison, ça aurait été bien dommage de ne pas aller saluer notre vieille copine La Fournaise.

C’est donc ainsi qu’on  pris le temps et qu’on est partis un beau matin de fin décembre, avant l’aurore. Dame Fournaise est comme ça, elle a décidé que ses paysages n’appartenaient qu’à ceux qui se lèvent tôt. D’aucuns grognons pas du matin chuchotent d’ailleurs, les yeux tout ensommeillés, qu’elle est tout de même un brin pête-magma, la donzelle, à s’emmitoufler dans ses brumes à midi même pas sonnées. Mais le Chercheur d’Oz étant forcément du matin (quoique), le départ s’est fait sans râlerie aucune (c’est qu’on pouvait ronquer tant qu’on voulait dans la voiture, PapaLaGB-le-merveilleux jouant les guides émérites) (et très patients) (la patience, c’est de famille) (quoique bis).

L’aurore n’ayant pas encore pointé le bout de son nez, il n’y avait qu’à lever la tête pour regarder les étoiles s’éteindre les unes après les autres, pof, pof, pof ! pendant que le ciel se teintait de pourpre, de mauve et d’orange. Le ciel et le Piton des Neiges, bien décidé à ne pas laisser au chat sa part du spectacle. La route serpentait entre les champs et les villages endormis, le 23ème, le 27ème (à la Réunion, les noms de villes/villages sont parfois… surprenants) (mais pas toujours débordants d’imagination) puis bientôt Bourg-Murat. Il était temps de s’attaquer cette fois pour de bon à la Route du Volcan.

Des scories, des buissons minuscules, des pitons partout, quelques bombes volcaniques pour les chanceux, des cratères, des vaches, des oiseaux tout guillerets, le soleil qui se lève, les premières brumes aussi et puis partout, partout, ce paysage un peu lunaire, un peu fou, complètement merveilleux.

Ça et puis cette odeur, un brin soufrée, dense, piquante et douce à la fois, cette odeur chaude de soleil, cette odeur qui dit peut-être le volcan encore mieux que le reste, encore mieux que les scories, les cratères ou les panneaux.

Des arrêts obligatoirement-obligés-parce-qu’on-ne-peut-pas-y-couper-tu-sais-bien-c’est-comme-avant-il-y-a-longtemps-tu-crois-qu’on-vieillit-ça-fait-combien-d’années-déjà-tant-que-ça-tu-vois-c’est-peut-être-qu’on-vieillit-vraiment-alors : les Antennes pas si loin du Piton de l’Eau, le Nez Cassé de la Rivière de l’Est, le cratère Commerson (forcément lié, dans nos souvenirs, aux années de fac, pour avoir usé nos fonds de culotte trois ans durant sur les bancs de l’amphi du même nom), le Pas des Sables avec au loin le morne Langevin. Presque comme un pèlerinage sur les terres de la fin d’adolescence.

Et puis la plaine des Sables, un peu verte, un peu rouille, un peu mordorée, grise aussi, bleu ardoise, presque rose parfois, ponctuée de minuscules cratères et de plus gros. De la poussière en panache pour accompagner la route et enfin le Pas de Bellecombe. Du noir volcan, du vert buisson, du bleu ciel, du gris lichen, du blanc nuage. Des randonneurs comme des fourmis sur les flancs de la Fournaise, des randonneurs et des nuages, déjà.

Pas le temps, pas le temps, pas le temps, c’est le retour du Lapin Blanc. Pas le temps de se lancer dans une randonnée, pas le temps de flâner trop longuement, pas le temps, pas le temps, pas le temps. Juste le temps de s’emplir de souvenirs, de soupirer d’aise et de se dire que la prochaine fois, on l’aura, le temps, on le prendra,  ce temps.

Et puis, tout de même, c’était bien de revoir Dame Fournaise, non ? Même pour si peu, même pour pas longtemps. Parce que ça faisait bien trop longtemps.

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