Jean Louis Etienne et le thermomètre
(Bryce Point, Utah, 02-01-2015)
Au presque petit matin, on a filé. Enfin, on a essayé. Et d’une, le petit matin, quand le soleil ne pointe pas son nez avant huit heures bien sonnées, ça n’a plus grand-chose de potron-minet. Bien sûr, on aurait pu partir avant l’aube. Mais conduire au si petit matin augmente très sérieusement les risques d’une rencontre parechoc-kangourou, c’est scientifiquement prouvé (oui, oui, même dans le fin fond de l’Utah) (on n’a pas réussi à trouver de meilleure excuse ce matin-là pour rester un peu plus longtemps au chaud sous la couette).
Et de deux, jouer les archéologues d’opérette pour retrouver son carrosse enseveli sous deux mètres cinquante de neige, ça prend du temps. Bon, OK, techniquement, il a simplement fallu dégager un parebrise fichtrement gelé. Mais faute de matériel adéquat, on a dû s’y coller à la main. Et forcément, par -10 degrés, sans gants, l’opération est un tant soit peu malaisée…
Au presque petit matin, donc, avec deux phalanges en moins mais chacun une paire de gants tout neufs, on a filé en direction de Bryce Canyon. Enfin, on a essayé. Et d’une, les premiers kilomètres de route sont très légèrement sinueux et, histoire de rajouter un peu de piment, un tout petit peu verglacés par un beau matin de plein hiver. Et ça, c’est rudement impressionnant, surtout quand on est du côté passager, juste au bord du précipice. De quoi provoquer moult hululements chez LaGB qui a tellement le vertige qu’elle en était vert pomme et probablement une certaine envie chez LeGB d’ouvrir grand la portière passager, parce que flûte !
Et de deux, jouer les touristes d’opérette en plein Pôle Nord, ça prend du temps. Surtout quand on s’arrête tous les vingt mètres sur le bas-côté parce que c’est tellement-beau-et-regarde-la-neige-comme-elle-brille-ohlala-c’est-magnifique-mais-j’ai-quand-même-un-peu-froid-aux-pieds-t’as-laissé-le-chauffage-dans-la-voiture-dis ?
Au presque matin bien entamé, on a regardé le thermomètre chuter tout tranquillement. Et puis on a un peu pesté, aussi, la faute à une météo moins glaciale que prévu. Point de -26 degrés mais un très douillet et raisonnable -18 à notre arrivée à Bryce Canyon… Pas franchement de quoi jouer les Jean-Louis Etienne de contrebande surtout quand, pour couronner le tout, le soleil est de la partie.
Au presque matin très entamé, on a poussé des oh ! des ah ! en découvrant nos premières cheminées de fées. C’était tellement beau qu’on a même oublié de soupirer à la fermeture de plus de la moitié du parc, la faute aux tempêtes de neige. Bien vite, on s’est retrouvés dans la neige jusqu’aux genoux à longer le Rim Trail en poussant des petits cris de joie (et aussi de vertige, évidemment, en ce qui concerne une certaine LaGB au teint façon Yoda). On s’est sentis comme de grands aventuriers du Far West, cheveux au vent, joues rosies et pieds mouillés, en arrivant à Bryce Point. Il ne manquait que le fringant destrier et un petit air d’harmonica pour qu’on fasse totalement illusion. Et c’était tout de même un brin magique !
Et puis après, on est partis vers Kanab, histoire de rester dans le thème western. Mais ça, c’est encore une autre aventure !