(Hiiiiii ! L’affreuse grosse vilaine bestiole que voilà !)

Les rencontres down under sont toujours un régal, pleines de découvertes, d’émerveillements et d’échanges. Enfin, presque… Malgré nos poses assumées d’à peu près vieux briscards de la vie à l’australienne, il faut bien avouer que certains de nos compatriotes, jugés bien trop velus, pattus, griffus, dentus pour être crus bien vus, n’ont de cesse de nous arracher des petits frissons teintés d’horreur. Il faut dire que les bougres ont une idée très personnelle des derniers endroits où causer. C’est ainsi que nous avons, l’année dernière, été quittes pour quelques rencontres hautes en couleurs au détour, par exemple, d’une sacoche ou d’une chaise de jardin. Et il semblerait que l’année nouvelle soit d’ores et déjà bien décidée à ne pas laisser se perdre cette si délicieuse habitude qui consiste à taper le carton avec un quelconque arachnide en des lieux plus qu’improbables…

Un beau jour de mi-janvier, quelque part en champ. Un ciel bleu comme l’Australie sait si souvent les faire, accompagné d’un petit vent qui soufflote à peine frisquet, parfait pour ne pas se sentir écrasés de chaleur. Des magpies qui symphonisent de concert, des moutons qui errent à la recherche de quelques brins d’herbe encore verts et puis quelques arbres qui bruissent dans le lointain. Des machines, des mesures, des sacs, des échantillons et de la poussière comme s’il en pleuvait. Des échantillons par centaines, soigneusement prélevés puis numérotés, pesés, emballés joyeusement, à mains nues. Dans un coin de champ, G., J. et LaGB, fort occupés à noter, compter, trier, le nez dans les sacs tout frais remplis, mains et yeux déjà pris dans une petite routine bien rôdée.

Et puis, au coin d’un sac un peu plus plein que les copains, un mouvement surpris du bout de l’œil. Comme une ombre zébrée de rouge qui gigote entre deux feuilles sèches. Un coup d’œil circonspect plus tard, plus de doute possible, félicitations m’sieur, dame, c’est une red back ! Une pensée émue pour le grand douillet heureusement absent ce jour-là et c’est toute une gymnastique qui se met bien vite en place pour débarrasser le précieux sac de son encombrant et venimeux locataire. C’est que, tout de même, il faudrait voir à ne pas réduire en bouillie tout un échantillon pour un simple passager clandestin, tout mortel qu’il puisse être. Après quelques minutes d’une lutte intense fortement émaillée de jurons et de petits cris terrifiés bien décidés, ladite vilaine bestiole finit sa course sur le sol et sous une semelle (ensuite secouée énergiquement, avec un petit frisson d’horreur qui court sur la nuque) (exactement comme le feraient certaines petites pattes allant par huit) (nouveau frisson d’horreur). Non mais ! Et c’est ensuite avec un petit sourire crispé que la longue litanie des mesures reprend son cours, ponctuée de ricanements se voulant diantrement au-dessus de considérations aussi futiles, chacun souhaitant furieusement tout bas, sans daigner nullement le reconnaître, mettre la main bien vite sur une paire de gants… En cotte de maille si possible. Ou en plomb massif, tiens ! Après tout, aux grands maux, les grands remèdes et donc aux vilaines araignées, les grands gants…

Le soir venu, fourbu, courbatu, repu de grand air et d’émotions fortes, quand le champ chant de la couette se fait entendre, il faut filer bien vite retrouver Morphée. Et comme un drôle de pied de nez à la journée écoulée, il faut, semble t-il, tomber yeux à crochets avec une demoiselle multipattue ayant installé son coin de chasse tout en bordure d’oreiller séché de frais au grand air. De quoi parfaire encore un peu plus sa botte son attaque secrète dite de la tatane mortelle qui peut faire intervenir une chaussure, donc mais également au choix un bouquin (de préférence un dictionnaire) (mais un roman de Marc Levy peut éventuellement faire l’affaire, de par ses vertus hautement soporifiques uniquement), une enclume, une masse, un bulldozer ou trois bombes de Tupic. Et de quoi fournir également quelques réveils  impromptus et frissonnants…